Le parfum de la dame en noir
Silvia est une jeune bourgeoise à qui tout semble réussir : un bon job, un magnifique appartement, des concierges dévoués, et Roberto, un amant attentionné. Elle est entourée d’amis : sa voisine Francesca et Andy, une connaissance africaine de Roberto… Mais pourtant, Silvia est une personnalité troublée, qui masque des fêlures. Petit à petit, sa vie se craquèle. Il lui semble que tout et tous se liguent contre elle. On s’introduit dans sa maison, des objets disparaissent, des souvenirs d’enfance ressurgissent. Et qui est cette petite fille qui lui ressemble tant ? Sont-ce des délires ou bien est-elle la proie d’un complot au but mystérieux ?
Etrange film que ce Parfum, parfois rattaché au giallo, même si les meurtres n’interviennent que fort tardivement. Il s’agit plus de mystère, d’ambiance. Le côté énigmatique de l’enquête découle de la psyché troublée de Silvia, un élément régulièrement présent dans le giallo.
Le scénario emprunte nombre d’éléments à l’Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll : un papillon sous verre offert à Roberto pour rappeler la chenille, le chat Chopin en écho à celui du Cheshire, et quelques autres références nous conduisant à identifier Silvia à la fois en une Alice perdue en pays inconnu ET en reine de cœur dont la folie castratrice trouve ici explication dans un trauma d’enfance.
Le parfum du titre réfère donc moins à une fragrance particulière (à peine cet élément est-il évoqué lors d’une unique scène) qu’aux réminiscences du passé (le parfum comme trace), ce que soulignent de nombreux flashbacks ou hallucinations dont va souffrir une Silvia qui perd peu à peu le contrôle de la réalité et de sa vie.
La mise en scène et le déroulé de l’intrigue plongent d’ailleurs le spectateur dans le même questionnement que Silvia, dubitatif quant à la véracité de ce qui se produit, jouant des fausses pistes. Peut-on se fier à ce que voient nos yeux ? Au début du film, Silvia offre un papillon bleu à Roberto. La combinaison de la couleur du rêve, le bleu, et du papillon (l’âme) nous donne l’indice que nous quittons les terres de la réalité pour entrer dans un monde onirique que nous ne délaisserons plus guère. Le reste de la séquence multiplie d’ailleurs les éléments bleutés dans le décor. Par la suite, même si cette couleur n’est plus prédominante, ce sont les décors eux-mêmes qui par leur exubérance, la luxuriance des objets, leur incongruité, etc., nous maintiennent dans un monde de rêve éveillé.
LE PARFUM DE LA DAME EN NOIR n’est pas pour autant exempt de défauts. A force de vouloir perdre le spectateur, le script finit parfois par s’égarer lui-même. Ce point en rebutera plus d’un. Les autres accepteront ces divagations, abandonneront toute velléité de relier chacun des éléments d’un puzzle un peu cafouillant et jouiront du spectacle. Qui demande à un rêve de se montrer logique ?
Et puis, c’est aussi l’occasion de se délecter de la prestation de la superbe Mimsy Farmer, qui campe ici une Silvia en voie d’effondrement. Très belle composition d’une actrice alors au sommet artistiquement et à qui l’édition 2010 de l’Etrange Festival rendait hommage le temps de trois films, reprogrammant ainsi aux côtés de ce PARFUM DE LA DAME EN NOIR, l’excellent LA ROUTE DE SALINA et le non moins intéressant LE MAÎTRE ET MARGUERITE.