Les loups sont sans pitié
Voilà qui fait plaisir !
La troupe d’auteurs francophones qui oeuvrait pour feue NUIT D’AVRIL n’est pas morte avec cette petite mais passionnante maison d’édition.
On connaît bien sûr le triomphe de SIRE CEDRIC, aujourd’hui publié au PRE AUX CLERC avec de gros thrillers horrifiques. Le second, DE FIEVRE ET DE SANG, est absolument palpitant. Nous avons déjà abondamment parlé de cet auteur brillant ici, et nous n’y reviendrons que pour dire que nous attendons son prochain roman avec impatience.
D’autres que ce maître français de l‘horreur ont survécu à la fin de NUIT D’AVRIL, pour notre plus grand plaisir. Citons VIRGINIA SCHILLI, qui voit sa série vampirique republiée avec un inédit, mais qui a aussi sorti un recueil de nouvelles (FOOD FOR MAGGOTS) et un roman de dark fantasy (OUROBOROS). L’un de ses éditeurs n’est autre qu’ALEXIS LORENS, auteur remarqué à NUIT D’AVRIL qui a créé LES EDITIONS DU RIEZ. Des éditions spécialisées dans le fantastique qui permettent aussi aux fans de retrouver les plumes de CELINE GUILLAUME et FRANK FERRIC.
ALEXIS LORENS sort aujourd’hui son dernier roman, LES LOUPS DE KHARKOV, aux éditions du PETIT CAVEAU.
Une maison d’édition prometteuse spécialisée dans la littérature vampirique. Pas par soucis de mode tant il est vrai que les suceurs de sang ont aujourd’hui le vent en poupe ; du tout, uniquement par passion puisque le PETIT CAVEAU est animé par des fans de vampires, et notamment par la talentueuse AMBRE DUBOIS. On avait parlé ici il y a quelques années de son MANOIR DES IMMORTELS, un sacré bon bouquin de vampires victorien doublé d’un excellent roman policier… avec JACK L’EVENTREUR ! Aujourd’hui, après bien des mésaventures, AMBRE DUBOIS publie enfin la suite, LE SANG D’HECATE. Nous y reviendrons sûrement après lecture.
Pour l’heure, parlons plutôt des LOUPS DE KHARKOV, emballé sous une belle couverture. ALEXIS LORENS, visiblement féru de marine et d’histoire, signe là un très honnête roman policier.
1936 : des cadavres sont retrouvés vidés de leur sang. Les enquêteurs français parcoureront un long chemin avant de trouver les coupables, puisqu’ils prendront le bateau pour New-York.
L’atmosphère de l’époque est bien rendue par une foule de détails. On pense de temps en temps aux BRIGADES DU TIGRE ou aux DOSSIERS VAMPIRE de P. N. ELROD (en mieux). LES LOUPS DE KHARKOV évoque aussi quelques volumes du PRINCE DE LA NUIT, une B.D de YVES SWOLFS bien connue des amateurs de vampires.
Le héros est attachant, comme ses collègues, personnages secondaires jamais négligés. Son histoire d’amour avec une danseuse classique est touchante, fleur bleue et donc charmante… même si elle pourrait bien mal se terminer. On est loin de la romance porno souvent de mise dans la bit-lit à la mode.
L’enquête policière est correctement troussée même si elle manque un peu de rebondissements. On comprend tout de suite qu’il s’agit de vampires, on n’a pas le moindre doute malgré les intéressantes hypothèses de la quatrième de couverture (secte satanique ou tueur psychopathe ?). Le scénario est un peu linéaire.On aurait aimé être davantage surpris mais on le suit cependant avec plaisir. L’idée de faire voyager les protagonistes est excellente. Les vampires sont intéressants et bien campés, notamment à travers tout un background historique très sérieux, qui en passionnera plus d’un. Pour les connaisseurs, disons simplement qu’il est ici question d’une maladie rare hélas bien réelle…
Un très bon point pour LES LOUPS DE KHARKOV : il fait 199 pages et pas une de plus. A une époque où le moindre bouquin de gare (genre bit-lit, et sans que cela soit péjoratif dans notre bouche) ou best-seller (genre thriller) fait dans les 400 pages minimum, cela fait du bien. On ne s’ennuie guère, ça va très vite. Pour un peu, on se croirait revenu à la grande époque du FLEUVE NOIR. Les best-sellers font souvent dans le remplissage à force de descriptions inutiles et de psychologie de personnages banals. Mais ça plaît, ça fait littéraire.. Le roman populaire s’en est longtemps passé (le roman-feuilleton est un cas à part). Les années 70-80, et STEPHEN KING entre autres pour le fantastique, sont passés par là.
Et pourtant !
Les personnages sont définis par leurs actions, point. Pas besoin d’aller plus loin. Et seuls les lieux et les personnages les plus originaux méritent davantage de pages. Certains font encore ça très bien.
ALEXIS LORENS s’inscrit ici dans cette tradition pulp, issue d’un certain roman noir. Les données délivrées sont largement suffisantes pour appréhender l’histoire et l’univers, il n’y a pas un mot de trop.
Un dernier compliment, aux yeux des cinéphages de SUEURS FROIDES, on lit un livre mais on croirait voir un film ! Une bonne petite série B comme on les aime !