L’évadé de l’enfer
Archie Mayo a la réputation d’être un bon faiseur. Sa filmographie commence dans les dernières années du cinéma muet, en tant que figurant puis comme réalisateur de petits gags, il fait ensuite partie des réalisateurs chargés par la MGM de faire la transition du muet au parlant. Il est un peu oublié aujourd’hui mais quelques-uns de ses films ont bonne réputation, en particulier pour les rôles qu’ils offrent aux acteurs et actrices. L’EVADE DE l’ENFER est son dernier film, réalisé en 1946.
Un gangster, Eddie Kaggle, sort de prison et se fait abattre par son complice et ami d’enfance. Arrivé en enfer, il cherche à s’échapper pour se venger. Le diable, qui se fait appeler Nick, voit alors en lui l’occasion de venir à bout d’un homme qui l’embarrasse par sa droiture, le juge Fred Parker, sosie d’Eddie Kaggle. Mais une fois revenu sur terre et incarné dans le corps du juge, Eddie n’a en tête que sa vengeance et n’a pas vraiment l’intention d’obéir à Nick.
Dans la lignée des films de rédemption, l’originalité de L’EVADE DE L’ENFER est de partir du point de vue d’un homme damné et mauvais et non de celui d’un homme qui ignore qu’il est bon et mérite d’être sauvé. Les bonnes actions d’Eddie Kaggle sont accidentelles et motivées par son désir de vengeance. Un sacrifice tardif fait finalement de lui un héros et conclut le film sur un ton doux-amer. Cette amertume émaille tout le film, derrière un ton comique, Archie Mayo fait quelques allusions grinçantes, comme lorsque le héros est envoyé dans le 55è cercle des ténèbres, suggérant que depuis la description des neuf cercles de l’Enfer par Dante, de nombreux péchés sont apparus, bien pires que ceux d’origine. Néanmoins, Claude Rains – célèbre pour avoir été le premier homme invisible au cinéma et fait, entre autres, quelques apparitions chez Hitchcock – incarne un Méphistophélès soucieux et presque impuissant. Le diable se plaint des problèmes de chauffage, dûs au manque d’âmes damnées. L’interprétation exagérée de Paul Muni souligne un humour parfois facile, tandis que certaines situations sont très réussies, par exemple une scène où sous l’apparence de l’honnête juge Fred Parker, ses vieilles habitudes reprennent et où il ouvre un coffre à l’oreille et non à l’aide d’un code. Plus en retenue, le jeu d’Anne Baxter, qui interprète Barbara, la fiancée du juge, donne lieu à de très jolies scènes. Ainsi, elle fait visiter à son prétendu futur époux, la maison qu’ils font construire et qui n’est encore qu’un plan au sol, laissant percevoir à Eddie ce que sa vie pourrait ou aurait pu être. Le jeu de Paul Muni se fait alors un peu plus nuancé et une sorte de mélancolie submerge le personnage et l’accompagne jusqu’à la fin du film.
On peut trouver que le film met du temps à enchaîner les nombreux rebondissements et actions, et que la psychologie des personnages manque d’épaisseur, mais le film contient suffisamment de bonnes scènes pour qu’on lui porte de l’intérêt. Du film de gangster, on passe par la comédie et la romance. Archie Mayo traite son sujet littéralement et modestement en se permettant toutefois de ne pas vouloir terminer sur un rire mais sur un désenchantement.