Makina et autres boucheries
Un sadique cède à ses pulsions meurtrières avec une inconnue frappant à sa porte, un batteur ne supportant la critique s’attaque au reste de son groupe, un patient n’aimant pas le dentiste devient complètement paranoïaque, un touriste découvre un village où tout le monde est tellement gentil qu’il décide d’en profiter pour éprouver son sadisme, un groupe d’amis amateurs de bonne chère finissent par devenir fous et s’entretuer quand la nourriture vient à manquer, un écrivain refuse d’accorder à son fantôme créatif le crédit de ses dernières œuvres.
MAKINA ET AUTRES BOUCHERIES de Mickaël Auffray est un recueil de nouvelles qui explore les pulsions meurtrières, le moment où l’humanité s’efface face à la folie, où le sadisme explose et se nourrit des instants de faiblesses de l’homme. Il fait le portrait d’hommes, et par hommes on entend mâles, qui cèdent à leur pulsion, à l’envie de meurtre que tout un chacun éprouve dans un instant de colère ou de frustration. C’est cet instant de non-retour qu’il traque dans des situations tragi-comiques, des instants de bascule.
Les personnages dépeints dans ce recueil sont des esthètes, des esprits éclairés, des mélomanes, des gourmands, des artistes, ils font des jeux de mots, s’adonnent à la poésie en pleine boucherie, font de la philosophie en même temps qu’ils manient des armes blanches et dépouillent d’autres humains de leurs viscères. Ils questionnent le monde plutôt que leur humanité, manquante à l’appel, ils s’interrogent sur les vicissitudes de la vie alors qu’ils l’ôtent à d’autres ayant le malheur de rencontrer leur chemin. Ces artistes morbides excellent dans l’art de la critique artistique, passionnée, faisant de leurs élans morbides des recueils de poésie.
Ce sont aussi des fous, des déments, qui se perdent eux-mêmes, s’adonnent à leurs pulsions, oubliant toute maîtrise de soi, toute réflexion. Ils se trompent, se méprennent sur l’intention des autres, cèdent à la paranoïa, à la méfiance, à l’angoisse, mais aussi à leurs désirs cachés, à un sadisme jamais exploré auparavant. Ils s’illuminent de leurs pulsions, contemplent leur propre morbidité, et font du meurtre une œuvre d’art, une passion, une illumination.
La plume de l’auteur épouse ces pulsions et ces instants de boucherie deviennent de la poésie macabre, des Fleurs du mal en situation, où l’horreur se matérialise dans une cuisine, dans une forêt où des amis étaient partis s’adonner à un délicieux pique-nique, dans un cabinet de dentiste ou simplement dans un appartement. C’est la manière dont l’ordinaire se transforme en une sauvage boucherie qui rend ce recueil passionnant à lire.
Si les massacres et mises à mort sont légion et finalement assez communes aux différents récits que l’on peut lire dans l’horreur délicate et raffinée qui nous est contée, Le village des gentils est différent du reste du récit en proposant une plongée dans un lieu étrange où les habitants pratiquent la politique du tendre l’autre joue, une philosophie de vie dont le héros va abuser et se découvrir des élans de sadisme. C’est l’étude de la manière dont la corruption de l’âme survient qui est intéressante à lire.
Évidemment, la lecture est à éviter pour les âmes sensibles !