Massacre au dortoir
Avatar oublié de la vague « slasher » des eighties, MASSACRE AU DORTOIR (dont le titre original plus évocateur, THE DORM THAT DRIPPED BLOOD, rend hommage au sympathique THE HOUSE THAT DRIPPED BLOOD produit par la Amicus dix ans plus tôt) doit sa (petite) notoriété grâce à son inclusion sur la liste des « Video Nasty » au début des années ’80. L’utilisation d’une batte de baseball équipée de clous (qui pouvait, selon les censeurs, entrainer des imitations par des personnes mal intentionnées) et un meurtre à la perceuse bien saignant expliquent cette présence sur une liste qui comprend bien d’autres slashers.
L’intrigue, prévisible, se montre hélas vue et revue : cinq étudiants passent les vacances de Noel sur leur campus pour nettoyer un dortoir promis à la démolition. Bien sûr, alors qu’ils profitent de leur soirée pour se détendre dans la joie et la bière, un mystérieux assassin les décime méthodiquement. Rien de novateur donc dans cette petite production sous obédience d’HALLOWEEN et, surtout, BLACK CHRISTMAS.
Signalons cependant qu’il s’agit, en réalité, d’un projet proposé par deux étudiants de l’école de cinéma de l’UCLA désireux de réaliser « pour de vrai » un film à petit budget. Cette précision rend l’entreprise plus digeste et invite à l’indulgence : disposant d’un décor unique, d’un casting de débutants (pas toujours crédibles mais acceptables) et d’environ 90 000 dollars, les deux cinéastes livrent une carte de visite techniquement acceptable destinée à leur ouvrir les portes du Septième Art. Mission accomplie ! Car, sans démontrer de génie particulier, les réalisateurs livrent un produit soigné (le blu ray permet enfin d’apprécier la photographie, souvent sombre, qui, du temps de la vhs, rendait l’ensemble confus) et entretiennent une atmosphère compétente. Loin des slashers semi-parodiques de la seconde moitié des années 80 ou de la vague méta ultérieure (symbolisée par SCREAM et consorts), MASSACRE AU DORTOIR demeure en outre d’un sérieux papal. Les blagues du plaisantin qui donnent son titre anglais au métrage (PRANKS) sont d’ailleurs peu nombreuses : nous ne sommes pas là pour rigoler !
Fermement ancré dans le classicisme, le film déroule les conventions : protagonistes caricaturaux, déambulations dans des couloirs obscurs (selon le célèbre principe du « un tueur nous menace, si on faisait deux groupes de 1 »), fausses pistes trop évidentes pour tromper le public, etc. Les personnages, pour leur part, sont pauvrement caractérisés et aucun ne sort véritablement du lot. De plus l’amateurisme de l’interprétation et la pauvreté des dialogues n’aident guère à s’intéresser à leur sort. Le rythme, lui aussi, s’avère souvent lénifiant, un défaut récurrent des slashers où, objectivement, peu de choses se déroulent entre les crimes. Toutefois, ce film possède quelques qualités qui permettent de le visionner sans passion mais sans ennui.
L’une ou l’autre tentatives de suspense s’avèrent estimables, les metteurs en scène se montrent appliqués dans leur tentative de recréation des classiques du genre (HALLOWEEN et VENDREDI 13 en tête) et les moments sanglants, dans la version intégrale ici visionnée, se montrent inventifs. On note en particulier un assassinat à la perceuse aux maquillages rudimentaires mais efficaces. Dommage que l’érotisme ne soit pas davantage prononcé en revanche : l’amateur se contentera d’un unique « plan nichon » d’une gratuité encore estimable. Enfin, la révélation finale de l’identité du meurtrier, certes abrupte (« c’est moi, depuis le début c’était moi »), intervient aux deux tiers du film et conduit ensuite à un jeu du chat et de la souris entre l’assassin et la « final girl » satisfaisant. Très languissant durant sa première heure de projection, MASSACRE AU DORTOIR devient ainsi, et heureusement, plus nerveux durant son dernier acte.
Après cette tentative inaboutie mais remarquée, Jeffrey Obrow et Stephen Carpenter poursuivirent leur carrière avec une poignée de séries B plaisantes comme THE KINDRED, THE POWER et, surtout, une agréable adaptation de Dean Koontz, DOUBLE ENFER – LES SERVITEURS DU CREPUSCULE. La plupart des interprètes disparurent, eux, dans l’oubli, à l’exception notable de Daphne Zuniga que l’on retrouva dans le similaire (et très réussi) VŒUX SANGLANTS puis dans LA FOLLE HISTOIRE DE L’ESPACE et, enfin, dans diverses séries télévisées comme « Melrose Place » et « Les Frères Scott ».
Enfin, le film marque les débuts d’un compositeur devenu une véritable star de la bande originale, à savoir Christopher Young, futur auteur des musiques de HELLRAISER, LA MOUCHE 2, THE GRUDGE, SPIDERMAN 3, DRAG ME TO HELL, etc.
Si MASSACRE AU DORTOIR s’avère trop routinier pour maintenir l’attention du spectateur durant 90 minutes, son dernier tiers plus original lui confère un minimum d’intérêt. En tenant compte des conditions de tournage (de longues journées étalées durant de nombreux week-ends avec des clopinettes en guise de budget), les amateurs de slasher des années 80 passeront un relatif bon moment devant cette petite production oubliée sans doute plus méritante que convaincante mais pas désagréable.