Richard Allan
Richard Allan s’est rendu à la première édition du Festival Hallucinations Collectives non seulement pour présenter LA FEMME OBJET (id. Frédéric Lansac, 1980), œuvre bandulatoire proposée dans le cadre de la séance du film d’amour non simulé, mais également pour assurer la promotion de son autobiographie, 8000 Femmes : Mémoires d’un Casanova du cinéma (éd. Jacob Duvernet, 2010). L’occasion étant trop belle, nous en avons profité pour nous entretenir avec lui. Voici la première partie où il est question de son livre, d’un couple d’artisans du X et de ses rôles en-dehors du genre…
Sueurs Froides : Quelle est la genèse de cette autobiographie ?
Richard Allan : C’est le hasard d’une rencontre avec Jean-Marc Simon, hasard que j’ai un peu provoqué. Moi j’écris depuis 1992, j’ai travaillé avec plusieurs journalistes avec qui je ne me suis pas entendu, ou qui ne se sont pas entendus avec moi. Un jour, il y a eu une projection en avant première du film MESRINE (id. Jean-François Richet, 2008) à Le Neubourg, la ville où ma femme et moi possédons notre magasin de chocolat. Je me suis payé le culot de faire un petit synopsis et d’aller voir Jean-Marc Simon en lui disant vous avez écrit sur un personnage qui est Mesrine, moi j’en suis un autre, dans un autre style. Et je ne m’étais pas présenté. Au cours de la conversation, il me regarde et me fait « Allan … mais c’est pas possible, je suis un fan… ». On s ‘est bien entendu, on a discuté assez longuement et on s’est mis d’accord pour travailler ensemble. Ce qui est bien, c’est qu’il a complètement respecté mon texte. Après, il y a des anecdotes que j’ai occultées et quelques détails privés que je n’ai pas voulu mettre sur le papier car les années ont passé et ce n’est pas un règlement de comptes que j’ai voulu faire au travers de ce livre.
Sueurs Froides : Pouvez-vous nous parler du couple Pierson ?
Richard Allan : Claude dirigeait les films mais c’est sa femme Yvette qui écrivait les scénarios. Elle était assez perverse. C’était une grande fan des plans d’éjaculation et comme moi j’étais un peu avare de ce côté là parce que je n’avais toujours que 3 ou 4 gouttes, elle nous filait des seringues remplies de liquide blanchâtre pour qu’on puisse tricher sur la quantité.
Sueurs Froides : Lors du tournage de ATTENTION LES YEUX ! (id. Gérard Pirès, 1975) vous avez réellement fait l’amour avec votre partenaire sans que l’équipe ne s’en rende compte ?
Richard Allan : Le scène n’est plus au montage, j’ai revu le film il n’y a pas longtemps. Ça a été la rencontre d’une fille magnifique pour qui j’ai eu un coup de cœur. On devait simuler. Elle était tellement belle et on était excités. Elle m’a dit prend moi. Toute la scène j’étais à l’intérieur tout en simulant, à l’insu de tout le monde. J’allais la voir plus tard, on prenait une douche glacée, elle me préparait des infusions à base de romarin et on faisait l’amour. Je l’ai présenté à un pote et il me l’a volé, mais comme j’étais marié, c’était pas vraiment un problème. Je l’ai recroisé à l’aéroport de New York des années plus tard, elle était devenue une femme d’affaires, on a un peu discuté. C’est un bon souvenir.
Sueurs Froides : Dans LA GUERRE DES POLICES (id. Robin Davis, 1979) vous jouez un exhibitionniste…
Richard Allan : C’est quelqu’un de la Gaumont qui m’a appelé car personne ne voulait faire cette scène. Venant de ce milieu, pour moi c’était un rôle facile. J’ai d’ailleurs croisé Marlène Jobert au maquillage, et je lui ai proposé de lui montrer mon costume. Elle a détourné la tête, horrifiée. Elle a dit à Robin, « je fais ma séquence avant car je suis pressée ». Par contre moi j’ai du faire 10–12 prises. C’était à Pigalle, au fur et à mesure il y avait de plus en plus de monde. Un mec s’est même foutu devant la caméra, au nom de Jésus, pour nous empêcher de tourner. Ils l’ont viré et attaché à un arbre…
Sueurs Froides : Les acteurs de porno ne pouvaient-ils que tenir des rôles déshabillés dans les films traditionnels ?
Richard Allan : Il y avait en effet une ségrégation. Un jour, une productrice m’avait convoqué pour un rôle et m’annonce qu’en fait j’allais faire la doublure sexe. Je lui ai dit que je pouvais faire le rôle de A à Z. Elle me répond que ce qu’ils veulent c’est des acteurs. C’est pas un problème, vous ne me considérez pas comme un acteur, mais j’en connais un qui a de grosses exigences, c’est Popaul. Le rôle c’était 1500 balles par jours, et je lui dis que c’est 5000 juste pour Popaul. À prendre ou à laisser. Elle me répond qu’elle me trouve bien prétentieux. Je connais ma valeur, mais surtout celle de Popaul. Et je suis parti. Sur CALMOS (id. Bertrand Blier, 1976), il ont pris Claudine Beccarie car c’était la seule qui acceptait d’écarter les jambes pour le plan. D’ailleurs Marielle gueulait sur le tournage « couvrez-la, mais couvrez la ! ». Mais les acteurs que j’ai pu rencontrer sur les tournages, m’ont toujours serré la main.
Sueurs Froides : Vous avez pourtant été contacté pour un rôle important dans POLICE (id. Maurice Pialat, 1985)…
Richard Allan : Pialat m’a téléphoné. J’ai dit « mais le vrai… arrêtez vos conneries ! ». Bref, il m’a dit « Je ne vivrai jamais assez vieux pour tous les voir. J’adore les films de cul . Je trouve que vous avez une gueule. Acceptez-vous de faire un bout d’essai ». C’était un honneur pour moi, j’y vais. C’était la Gaumont qui produisait, je suis embauché. Il me file un second rôle. J’ai fait un stage au sein de la 4e Brigade Territoriale dans le XIIe arrondissement durant un mois. J’ai n’ai tourné au final que deux séquences car le rôle a été confié à un autre mec. On m’a dit que Pialat était comme ça, il t’embauche, te file un contrat, et ensuite va voir un copain à lui. Mes séquences ont été coupées au montage mais mon nom est au générique, alors de temps en temps je touche trois thunes quand il passe.
Sueurs Froides : Pourquoi ne pas avoir persévéré ?
Richard Allan : Je n’ai jamais vraiment été intéressé. Pialat m’avait donné ma chance et mis le pied à l’étrier, après il aurait fallu courir les castings. Bonjour la présentation : j’ai fait 500 films de cul et j’ai tourné avec Pialat… J’ai été approché par Walerian Borowicz qui voulait me confier un rôle, mais ça c’est pas fait non plus. J’ai un souvenir du jour de cette convocation, il y a eu un attentat sur les Champs Élysées où j’ai recueilli une nana coupée de partout. J’ai mis mon blouson sur elle et attendu les secours. D’habitude je faisais du sport dans une salle juste derrière les lieux de l’attentat. Quand je suis passé devant la galerie ça a pété. J’aurais pu en avoir plein la tronche, j’ai eu beaucoup de chance. J’ai croisé Polanski à Cannes qui m’a dit « j’aime » et je lui ai dit que j’aimerai tourner avec lui. Peut être que si j’étais allé aux castings… Mais ce n’était pas mon but premier.