Satanik
Par une nuit d’orage, une femme âgée et souffrante, au visage partiellement défiguré, se rend en taxi jusqu’à l’Institut de Biochimie à Madrid. Il s’agit du docteur Marnie Bannister, atteinte d’une dégénérescence cellulaire, venue rencontrer un éminent confrère sur le point de finaliser un sérum capable de régénérer les cellules. Le scientifique est ainsi parvenu à rajeunir un chien, mais a constaté un effet secondaire engendrant un surcroît d’agressivité. Il en fait part à Marnie qui n’en a cure et se sent prête à être le premier cobaye humain. Devant son refus, le docteur Bannister s’empare d’un scalpel et tue le savant. Elle absorbe le sérum qui lui fait perdre connaissance. A son réveil, Marnie a retrouvé jeunesse et beauté…
Quelques mois à peine après le succès de DIABOLIK, réalisé par Mario Bava, Piero Vivarelli, auteur l’année précédente d’un sympathique MISTER X dans lequel le personnage principal était une sorte d’agent secret affublé d’un costume de super-héros, tourne à son tour le pendant féminin à DIABOLIK, la fameuse SATANIK. C’est aussi un personnage issu des fumetti, ces bandes dessinées italiennes souvent destinées à un public mature, sinon adulte. Umberto Lenzi, en 1966, avait d’ailleurs été le premier à mettre sur pellicule l’un de ces fumetti mettant en lice un « super vilain » costumé, avec KRIMINAL.
Vivarelli puise donc dans la bande dessinée créée par Magnus et Max Bunker en 1964, et offre le rôle titre à l’actrice polonaise Magda Konopka, dont le look n’est pas sans rappeler celui de Marisa Mell/Eva Kant dans DIABOLIK. Il reprend dans les grandes lignes la trame initiale du fumetti, essentiellement ce qui concerne le background de Marnie Bannister. Mais là où le bât blesse, c’est que la fameuse tenue de Satanik, son costume noir, ne sera aperçu qu’une seule fois dans le film, dans le cadre d’un numéro de cabaret ! Un strip-tease dans le casino tenu par un caïd de la pègre, et… c’est tout. Le reste du temps, Satanik, dont le nom n’est jamais évoqué, demeurera à jamais Marnie Bannister, tantôt belle et jeune, tantôt laide et âgée (dès lors que le sérum ne fait plus effet), mais toujours meurtrière.
A défaut d’un costume, le réalisateur met en valeur son actrice en lui faisant endosser toutes les dix minutes une nouvelle toilette, chacune d’entre elles s’avérant plus kitsch que la précédente. Un plaisir des yeux, certes, mais transformer le personnage de bande-dessinée en mannequin de haute couture est bien trop réducteur.
Alors, certes, Marnie Bannister sème des cadavres partout où elle passe, de Madrid à Genève (ce qui permet d’ailleurs à la police de retrouver régulièrement sa trace), mais le scénario gâche une bonne partie du plaisir en sacrifiant d’une part le côté « super vilain » du personnage principal, et d’autre part en mettant à ses basques un duo de policiers (qui varie selon le pays) complètement ringard, passant son temps à échanger des propos consternants de platitude et à faire du tourisme (on notera toutefois une fusillade dans une boîte de flamenco, l’une des rares scènes d’action du film).
Finalement, le personnage masculin le plus intéressant est à mettre au crédit d’Umberto Raho, dans le rôle d’un diamantaire véreux, rachetant des bijoux précieux volés à une bande organisée. Dommage qu’il se fasse éliminer dès la première moitié du métrage. Umberto Raho fait partie de ces acteurs italiens ayant écumé le cinéma sans accéder véritablement au vedettariat, car trop souvent cantonné à des seconds rôles. Il a pourtant abordé tous les genres du cinéma populaire sur une carrière longue d’un demi-siècle. On l’a vu, entre autres, dans LE SPECTRE DU DR HICHCOCK, DANSE MACABRE, LA SORCIERE SANGLANTE et L’OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL. Coproduit avec l’Espagne, on retrouve logiquement des acteurs ibères dans SATANIK, parmi lesquels Julio Peña. Celui-ci possède également une belle filmographie et on a pu le voir notamment dans quelques films d’horreur comme LA FURIE DES VAMPIRES et TERREUR DANS LE SHANGAÏ-EXPRESS. A noter enfin que Piero Vivarelli s’offre le rôle d’un inspecteur de police helvète dans la dernière partie du film.
Malgré une ouverture réussie, avec un générique « pulp » servi par une belle partition musicale du compositeur Manuel Parada, SATANIK est loin de tenir ses promesses et reste bien loin, qualitativement, de ses confrères DIABOLIK et KRIMINAL. La faute à une réalisation bien trop paresseuse, sans grande conviction, et un scénario inconsistant qui ne rend pas hommage au côté sulfureux de la bande-dessinée. Un crêpage de chignons, deux fusillades, quelques meurtres… mais aussi beaucoup de bavardage, de longueurs (scènes de flamenco, ski nautique…), jusqu’à ce final grotesque voyant l’héroïne voler piteusement une Dauphine pour échouer lamentablement dans un ravin. Les dernières images du film laissent entendre qu’il n’y aura pas de printemps pour Marnie… Pas de suite, donc, et c’est regrettable car le personnage de Satanik, dans les mains d’un réalisateur talentueux et motivé, aurait pu accoucher d’une œuvre de qualité. Du coup, on se consolera en revisionnant DANGER : DIABOLIK.