Au sommaire du numéro 37 de Sueurs Froides :
Val Lewton, Nancy Drew, Ulli Lommel, Flower and Snake, Leprechaun, Patrice Herr Sang, Marian Dora.

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The Boston Strangler

Un texte signé Maï Painblanc

Nationalité
USA
Année de production

1968
Réalisation

Richard Fleischer
Titres alternatifs

L'Etrangleur de Boston
Interprètes

Tony Curtis, Henry Fonda, George Kennedy

Boston 1962. Un mystérieux étrangleur fait régner la terreur sur toute la ville. Après s’être attaqué à des dames âgées, il s’en prend ensuite à de plus jeunes. Durant deux ans, il poursuivra sa sinistre tâche, ne laissant que peu d’indices aux enquêteurs…

Basée sur un fait divers authentique, cette œuvre colle de très près à la réalité historique. En effet, de 1962 à 1964, Albert DeSalvo, baptisé l’Etrangleur de Boston, assassina pas moins de treize femmes avant d’être arrêté.

Sans doute pour les besoins de l’intrigue, ces victimes vont retrouver au nombre de onze dans cette réalisation de l’américain Richard Fleischer. Avec THE BOSTON STRANGLER, le réalisateur signe sans aucun doute l’une de œuvres les plus magistrales de sa carrière qui compte plus d’une quarantaine de long métrages dans des genres aussi variés que le péplum, la SF (SOLEIL VERT), le film noir, la comédie (L’EXTRAVAGANT DOCTEUR DOOLITLE), le western ou encore le film de guerre (TORA! TORA! TORA!).

De prime abord, le choix de l’acteur principal à qui revient la lourde charge de donner vie à DeSalvo se révèle déconcertant. Connu pour sa légèreté, sa drôlerie et son don pour les comédies, Tony Curtis ne s’est jusque là jamais vraiment imposé pour ses talents dramatiques, la profondeur et la consistance des personnages qu’il incarne. Et pourtant, Richard Fleischer qui l’avait déjà mis en scène dix ans auparavant dans son film LES VIKINGS va se battre pour l’imposer à la production. Il ira même jusqu’à l’habiller de vêtements défraîchis, à le faire maquiller avec une bosse sur le nez avant de le prendre en photo. Il présenta alors aux producteurs une photo du comédien incognito et transformé qui remporta leur adhésion. C’est en tout cas ce qu’il raconta par la suite lors d’un entretien avec l’écrivain français spécialisé en criminologie Stéphane Bourgoin.

Bien lui en prit car Tony Curtis, tantôt tranquille père de famille aimant, attentionné, tantôt meurtrier froid et sans scrupules, va faire vivre avec sensibilité, doigté et intelligence les deux personnalités qui se partagent le psychisme du tueur. Juste à la fois dans l’expression des sentiments et leur retenue, le personnage de DeSalvo acquiert , sous les traits et par le jeu de l’acteur une vraie dimension humaine, avec toutes les pulsions, nuances et contradictions qui le poussent et l’animent. La longue confrontation avec Henry Fonda, qui interprète le procureur chargé de l’affaire, en donnera toute la mesure.

Tout comme le psychisme de son héros, le film de Richard Fleischer s’articule lui aussi en deux parties. Concentrée principalement sur les meurtres perpétrés par son anti-héros, la première met en scène la traque à laquelle s’adonne les autorités, la psychose qui va s’emparer des habitants de la ville, des médias et du monde politique. Plus introspective et intimiste, la seconde fait pénétrer le spectateur, tout comme l’accusé lui-même et l’enquêteur principal qui l’interroge, dans les méandres du fonctionnement du tueur.

L’image va elle aussi précéder et accompagner ce fractionnement, en se scindant souvent en deux ou plusieurs cadres. Parfois traités en très gros plans, ils permettent de suivre simultanément plusieurs actions et réactions. Réactions du tueur ou de ses victimes, actions des autorités, des médias ou de la foule y trouvent leur place, conférant au spectateur une vision démultipliée mais également fragmentaire des situations. Un puzzle savamment orchestré qui intrigue, inquiète et pousse à la réflexion.

Mais, en dépit de cette liberté de style, Richard Fleischer demeure extrêmement fidèle au fait divers initial sur lequel son scénariste et lui ont effectué de nombreuses recherches. Et il va explorer à la fois les aspects psychiques de ces meurtres, mais aussi les répercutions sociales et politiques qu’engendre dans une ville ce genre de tragédie. A la façon d’un documentaire, il nous fait pénétrer dans le quotidien des Bostoniens, un quotidien dans lequel il va, par petites doses, instiller la peur et le chaos. Et de la même manière, posée, mesurée, mais terriblement efficace, se dévoileront ensuite les méandres de la psychologie du meurtrier.

Nul sensationnalisme, ni voyeurisme ne viennent entacher cette chronique. Jamais les viols n’y sont ouvertement montrés, seuls quelques plans d’une beauté macabre et suggestive viennent les évoquer au fil des scènes.

Maîtrisé, percutant, inquiétant, dérangeant, THE BOSTON STRANGLER n’a, malgré le passage du temps, pas pris une ride. Et il continue de témoigner du désarroi profond dans lequel le désordre mental poussé à un tel paroxysme va plonger à la fois l’individu qui y est confronté et la société dans sa globalité.


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Article rédigé par Maï Painblanc

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