The midnight meat train
Le film est l’adaptation d’une nouvelle de l’écrivain et réalisateur britannique Clive Barker, figure majeure de la littérature fantastique et d’horreur contemporaine ; son œuvre la plus célèbre est certainement HELLRAISER (1987) qui marquait ses débuts en tant que réalisateur. Le film, inspiré d’un de ses écrits, mettait en place un univers et un imaginaire composés de mythes ancestraux, de religion, de sexualité ambivalente (sado-masochisme et homo-érotisme prédominant, l’auteur revendiquant d’ailleurs son homosexualité) et de transgressions des tabous. Les « écorchés » de HELLRAISER , vêtus de cuir et échappés d’un improbable Pandémonium où souffrance et plaisir sont étroitement mêlés, sont devenus depuis de véritables icônes du fantastique, malheureusement récupérés et aseptisés dans des suites (sept au total jusqu’à présent !) dont Clive Barker ne veut même pas entendre parler ! Il faut dire que l’écrivain et le cinéma n’ont jamais vraiment fait bon ménage puisque ses deux autres essais cinématographiques (CABAL, 1991 et LE MAITRE DES ILLUSIONS, 1995) furent remontés ou remaniés sans son accord puis distribués de façon catastrophique ce qui poussa notre artiste à mettre un terme définitif à son activité de réalisateur. Le projet THE MIDNIGHT MEAT TRAIN fut tout d’abord confié au directeur artistique Patrick Tatopoulos (chef décorateur sur DARK CITY de Alex Proyas en 1998 et réalisateur de UNDERWORLD 3 en 2009) avant d’échoir au Japonais Ryûhei Kitamura, connu pour ses films mélangeant arts martiaux, manga et esthétique de jeu-vidéo (VERSUS, 2000 et AZUMI, 2003), un univers à priori sans point commun avec celui de Clive Barker.
Leon Kaufman, photographe spécialisé dans les clichés instantanés pris au hasard de ses déambulations dans New York, est chargé par une célèbre galeriste (la toujours très séduisante Brooke Shields) d’aller plus loin dans sa quête de moments et de cadres insolites et dangereux à capturer. Sauvant une jeune femme victime d’une agression, Leon apprend le lendemain dans les journaux que cette dernière a mystérieusement disparu. Enquêtant alors sur les lieux (le métro), le jeune photographe croit assister à un meurtre sauvage commis dans une rame par un tueur armé d’un maillet ; serait-il bien par hasard tombé sur un tueur en série ?
Force est de reconnaître d’emblée que pour son premier essai américain, Ryûhei Kitamura a mis un bémol à son style fait d’expérimentations visuelles souvent approximatives et de montage ultra cut pour THE MIDNIGHT MEAT TRAIN. Volontairement en retrait, le réalisateur permet à l’univers de Clive Barker de se déployer et de dessiner ses thèmes et obsessions : monde parallèle et souterrain prenant progressivement le dessus sur le Réel, souffrance et supplice du corps, dérive mentale du héros, damnation,…On peut regretter certes la plongée un peu trop abrupte dans le fantastique pur (dès le premier meurtre perçu par Leon, nous comprenons que le train quasi-désert et sans arrêt qui est le repère du tueur est une antichambre de l’Enfer) ou la trop soudaine et peu crédible schizophrénie du héros (au contact du « boucher », il adoptera un comportement bestial). Assez brutal, le film l’est aussi dans ses scènes gore qui voient le mutique et impressionnant assassin trucider ses victimes : coups de maillet explosant les crânes, corps démembrés, énucléations, dents et ongles arrachés se succèdent sous un éclairage clinique des plus glauques ! La majeure partie du film baigne dans des couleurs froides où le bleu électrique domine, rappelant un peu une esthétique issue des années 80 : on a parfois l’impression de se trouver dans un (bon) Russell Mulcahy (RAZORBACK, 1984). Vinnie Jones incarne un très crédible et effrayant « bogey-man », aussi à l’aise avec un maillet en métal, des scalpels ou un croc de boucher (possible clin d’œil au personnage éponyme du précieux CANDYMAN de Bernard Rose, 1992, inspiré d’une nouvelle de Clive Barker). L’efficacité des scènes de meurtres (dont plusieurs sont filmées du point de vue de la victime : bon point de mise en scène) est malheureusement un peu atténuée par l’emploi systématique des trucages numériques : certains effets gore ont un visuel « cartoonesque » (voir la scène où la victime est jouée par Ted Raimi) et le sang en images de synthèse est décidément trop propre ! La dernière partie du métrage propose un développement et un épilogue aussi dérangeants que inattendus concluant THE MIDNIGHT MEAT TRAIN sur une note globalement positive. Le film a été victime d’une distribution aléatoire et très limitée en 2008, sortant directement en vidéo dans de nombreux pays, accentuant encore le ressentiment de Clive Barker vis-à-vis de l’industrie cinématographique.