Un texte signé Sylvain Pasdeloup


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Dossierretrospective

The old dark house

Au beau milieu d’une forte tempête un couple, Philip et Margaret Waverton et l’un de leurs amis, Roger Penderel, se perdent en forêt et échouent aux abords d’une grande ferme à l’air austère tenue par la famille Femm et par un serviteur défiguré et inquiétant, Morgan. Accueillis par le grandiloquent Horace, d’une bienveillance empreinte de bizarrerie, et par sa sœur Rebecca, acariâtre et démente, nos trois héros sont bientôt rejoints par deux autres personnes perdues, l’excentrique Sir William Porterhouse et son amie Gladys Perkins. Durant la nuit qu’ils passeront ensemble nos cinq héros découvriront les secrets de cette maison inquiétante et tenteront d’échapper à un sort funeste.
Quand James Whale choisit d’adapter pour le cinéma la nouvelle anglaise « Dans la nuit » de J.B Priestley son célèbre “Frankenstein” en est encore au début de son succès sur les écrans, parachutant son metteur en scène et Boris Karloff en vedettes du cinéma fantastique des années 30. “The Old Dark House” marque donc, après “Frankenstein”, la deuxième collaboration entre James Whale et Boris Karloff et, point intéressant, ne ressemble en rien à la première.

Doté d’un humour noir perçant, le métrage va en fait confronter une galerie de personnages fantomatiques, dangereux et profondément inadaptés à l’époque moderne à une bande de jeunes gens, à l’air jovial et engageant mais d’un narcissisme aveuglant, ne croyant en rien ni à personne excepté à l’image que leur renvoie leur miroir. Ces personnages, Roger Penderel en tête, sont pour Whale les produits d’une après première guerre mondiale pleine d’illusions, brisés par le Krach boursier. De nombreux dialogues reprennent d’ailleurs ces mots, illustrant finalement que le fossé n’est peut être pas si énorme entre un Horace Femm et Roger Penderel, par exemple.
La famille Femm fait, elle, figure d’anachronisme et si certains de leur membres peuvent paraître risibles, de véritables moments d’angoisses réussis viennent nous rappeler que “The old dark house” est un film fondateur, une véritable pierre blanche pour le film d’horreur tant son influence se fera et se fait encore sentir maintenant. Le « massacre à la tronçonneuse » de Tobe Hooper aurait-il été le même sans le chef d’œuvre de James Whale? La question mérite d’être posé tant les horreurs bien humaines de la famille Femm font penser à celles de leatherface et de sa tribu.

Au niveau de l’interprétation l’écart est énorme entre la prestation inquiétante de Boris Karloff, encore une fois défiguré et muet tout le long du film et l’indolence de Melvyn Douglas, assez transparent dans le rôle de Penderel (mais n’est-ce pas voulu ?). A leurs côtés Raymond Massey est solide dans le rôle mineur de Philip Waverton, le fantastique Charles Laughton cabotine de son mieux dans un rôle intéressant de businessman malheureux et Gloria Stuart, symbole de la beauté en ce lieu hostile, est parfaite.
Mais plus que les stars précités c’est Ernest Thesiger, dans le rôle d’Horace Femm , qui crève l’écran. Ses répliques hilarantes (sa voix irrésistible de drôlerie quand il répète à ses invités « have a potato » pendant la scène du dîner), sa silhouette dégingandée et ses yeux ahuris et éberlués font de son personnage une sorte de monsieur Loyal sinistre de cette maison des horreurs dont on se rappelle longtemps après le mot fin. C’est par lui et par sa sœur Rebecca, interprétée par Eva Moore, elle aussi excellente, que passe, tout au long du film, cet humour noir revendiqué et assez inédit pour l’époque.
Ces deux personnages, inséparables et pourtant très différents sont d’ailleurs le lien entre nos jeunes héros et les autres membres peu recommandables de le famille Femm. A la couardise et l’empathie de Horace répondent les gesticulations et les tics de Rebecca et le comique né de leur relation est souvent très réjouissant.

On l’aura compris « The Old Dark House » fait donc date et, par son inventivité, son humour, mais aussi par ses personnages, représente une mine d’or pour tout fantasticophile averti et pour tout admirateur de James Whale et (ou) de Boris Karloff.
Ces deux-là se retrouveront 3 ans après pour un autre chef d’oeuvre intemporel, là aussi très différent, “La fiancée de Frankenstein”.






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Article rédigé par : Sylvain Pasdeloup

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