Thrash Girls
Patrice Herr Sang possède un long et estimable passé d’amateur éclairé de Rock et « d’activiste culturel » (terme qu’il met lui-même en avant) tous azimuts. Ceux qui au début des années 80 affectionnaient le rock que l’on qualifiera vers la fin de la décennie d’alternatif (et qui n’était en fait à la base que du Punk), se souviennent forcément du fait que les principales revues musicales de l’époque (Rock & folk ou encore BEST…) avaient plutôt tendance à bouder la chose, sauf à l’évacuer dans de tous petits articles ou dans de petites et furtives rubriques… C’est en 1980 que Herr Sang apportera de quoi combler leurs attentes en créant le fanzine NEW WAVE, qui à l’image de son prédécesseur Anglais SNIFFIN’ GLUE (qui fait figure de pionnier en 76) tiendra la dragée haute au genre. Arf ! Souvenirs, souvenirs !…
Herr Sang s’investira également pour la petite histoire (mais avec un grand « H ») dans bien d’autres domaines, comme la distribution ou la production musicale en créant le label NEW WAVE Records et enfin, pour en arriver là où nous devons en arriver dans cette rubrique, dans la réalisation et la production de petits films indépendants, via une autre structure qu’il va fonder en 1987 : Trash Seditions.
Parlons donc d’hyper-activisme alors que d’autres se contentent d’une simple hyper-activité relevant du brassage de vent. Voilà en tout cas de quoi rendre hommage à une personne qui, loin d’avoir succombé à certaines maladies de ce siècle, a su rester humble et se révèle relativement discrète, y compris sur le web…
THRASH GIRLS présente une compilation de cinq courts-métrages qu’il a réalisés à partir de 1987 et qu’il qualifie de coups de griffes. Cinq films tournés en suivant les bons vieux préceptes du « do it yourself » punk, avec en exergue une phrase de Jean Luc Godard : « Allez-y, c’est facile de faire des films. Si vous n’avez qu’un dollar, faites un film à un dollar… C’est la création qui est difficile, pas de faire des films. » Prendre en compte ces principes, permettra sans doute de mieux comprendre et appréhender l’ensemble. Ce qui compte, c’est avant tout de faire et de dire, et peu importe comment. Certains cinéphiles délicats en seront par contre pour leurs frais…
Les courts accumulent des thèmes et des images fermement orientés vers la provocation (ce qui n’a pas de quoi foncièrement étonner – Punk oblige) : Meurtres et vengeances, parricides, dépression et mal être adolescent ou féminin, etc, mais sans être forcément toujours dénués de sensibilité. Le tout saupoudré de gore. Que du bon !
Là où le bât pourra probablement blesser, c’est quand on mesurera l’amateurisme et le manque de maîtrise technique qui baigne (de manière heureusement inégale) l’ensemble. Ce qui passe bien éventuellement en musique passe parfois beaucoup moins bien en matière d’image et de cinéma.
MY BLOODY DREAM – VERSET 1, tourné en super-8 avec trois fois rien en 1987 passe plutôt bien et constitue une assez bonne surprise, « bercé » par une bande hardcore réjouissante. Pour le coup, un coup de griffes parricide bien plus féroce que le morceau « EUTHANASIE » du groupe Les Olivensteins (pour rester dans la veine…)
MANIAC DEPRESSIVE GIRL par contre, tourné lui en vidéo en 1993 et orienté slasher, paraîtra en comparaison un peu lourdingue (avec qui plus est une durée plus importante – 23 minutes contre 3 pour le premier). Le manque de maîtrise filmique et narrative tourne vite au handicap et l’amateurisme devient criard en particulier dans le jeu de certains acteurs (à qui on ne peut certes pas en vouloir), mais surtout en ce qui concerne le montage.
Une explication potentielle à cela est pourquoi pas à envisager dans le changement de médium. Qui s’est aventuré en amateur par le passé à monter en analogique, avec un banc Hi-8 par exemple, pourra sans doute comprendre. Le fait d’avoir à gérer des palanquées de time-codes, travailler partiellement à l’aveugle à anticiper des raccords en tenant compte de ces saloperies de pré-rolls des magnétoscopes faisait que rechercher un montage serré et un tantinet speed relevait vite du cauchemar hyper-chronophage. Du coup, monter du super 8 c’est carrément le rêve en comparaison…
Pour le reste, on l’aura bien compris : Herr Sang n’est jamais là pour nous servir une quelconque soupe ; mais un peu plus de technique dans la cuisine rendrait la chose un poil plus digeste à défaut d’appétissante. À moins, on s’en doute, que ça ne soit franchement pas son problème ou sa préoccupation première…