Time Demon
Une secte d’amazones lubriques, sobrement nommées Déesses porteuses de la lumière, s’est alliée à un groupe de néo-nazis gardant dans un lieu secret (une usine désaffectée dans la région parisienne) leur seigneur et maître Adolf Hitler, bel et bien vivant, mais fortement âgé et évidemment très amoindri. Parallèlement, un contingent de scientifiques dévoués au führer est parvenu à créer une machine à remonter le temps. Grâce à cette invention, une escouade est envoyée en 1521, en Amérique Centrale, à l’époque où les conquistadors de Cortés mettent fin à la civilisation aztèque. Parmi les trésors de guerre, les soldats espagnols ont récupéré un coffre renfermant un artefact destiné au Roi. L’objet est en réalité une relique contenant l’esprit d’une entité indienne maléfique, qui a le pouvoir de donner jeunesse et vie éternelle. Les nazis veulent évidemment s’emparer du coffre afin de redonner à Hitler force et pouvoir. Ils y parviennent, mais en revenant dans le présent, ils se rendent comptent qu’ils ont oublié de récupérer un talisman protecteur permettant de contrôler l’esprit démoniaque. Sans ce talisman, tous ceux qui ouvrent le coffre meurent dans d’atroces souffrances. La machine à remonter le temps ne pouvant être utilisée à nouveau à court terme, nazis et amazones décident alors de retrouver le descendant du conquistador détenteur du talisman : un certain Jack Gomez…
Avec un scénario aussi délirant, on imagine le résultat qu’un tel film aurait pu donner à l’écran, pour peu qu’un riche producteur mette la main à la poche. Malheureusement, le réalisateur Richard J. Thomson, âgé de vingt-trois ans au moment du tournage de TIME DEMON, n’a pas un rond, pas de mécène, et pas de subvention du CNC. Il a beaucoup d’idées, pourtant, et un minimum de talent pour les coucher sur pellicule avec les moyens du bord. Richard J. Thomson est le roi du système D. Il incarne l’esprit de débrouillardise de quelques metteurs en scène français « underground » passionnés de cinéma-bis, comme a pu l’être Jean Rollin trois décennies auparavant, et comme le sont également Norbert Moutier et Antoine Pélissier en ces années 1990. Mais, comparé à ces deux derniers, Richard J. Thomson est certainement plus doué, et surtout le plus apte à réaliser un long métrage qui tienne la route avec un budget ridicule. TIME DEMON a pu voir le jour grâce à l’appui du magazine Mad Movies et l’aide de deux de ses cadres à l’époque : Jean-Pierre Putters et Damien Granger. Ils ont amené des fonds, produit le film, et JPP a même joué dedans (un rôle inoubliable), en compagnie d’un autre journaliste français bien connu, Christophe Lemaire.
A l’image du film, le casting est un amas hétéroclite dans lequel un metteur en scène comme Alain Robak (l’auteur de BABY BLOOD) côtoie des actrices pornos. La présence de ces charmantes demoiselles, Elodie Chérie, Channone ou Zabou, apporte un cachet érotique totalement assumé par le réalisateur qui, en parfaite connaissance du bis, ne pouvait que mêler sexe et horreur dans son histoire, le tout avec beaucoup d’humour.
TIME DEMON est un hommage au cinéma populaire, comme le souligne Thomson, aux films post-apocalyptiques italiens des années 1980, mais également au BIG TROUBLE IN LITTLE CHINA de John Carpenter (c’est pourquoi le héros de TIME DEMON se prénomme Jack). Tourné dans les environs de Melun, le film a pu s’achever, presque par miracle, après un an et demi de tournage, des conditions de travail déplorables et une météo désastreuse. Il reste pourtant l’un des films les plus connus de Richard J. Thomson, déjà responsable d’un NIGHT OF VAMPYRMANIA en 1993. Suivra, en 1995, un mémorable ROBOFLASH WARRIOR, première collaboration du cinéaste avec celui qui deviendra son acteur fétiche, Laurent Dallias. Celui-ci incarne, dans TIME DEMON, un héros à la fois beauf et mythomane, mais néanmoins sympathique. On a là un exemple parfait de l’anti-héros, embringué dans une aventure abracadabrante, et menant aussi une carrière d’acteur de seconde zone (un rôle de composition) qui lui colle bien sûr à la peau. Un clin d’œil qui en amène d’autres, puisque l’on peut voir aussi dans ce long métrage un réalisateur nommé Norbert Rollier (allusion à Rollin et Moutier, probablement) interprété par Thomson lui-même. Mais, en dehors de cela, TIME DEMON reste avant tout un film d’action, mâtiné de gore et de sexe, plein de savants fous, d’amazones obsédées à fortes poitrines, de nazis à l’accent ridicule, de poursuites en voiture à mourir de rire, et de combats terriblement kitsch, avec comme plat de résistance un nazi adepte du nunchaku. Pour couronner le tout, l’inénarrable Jack Gomez sera aidé, dans sa mission, par une stripteaseuse maîtrisant le close-combat à la perfection.
Alors, évidemment, TIME DEMON est bourré de défauts, c’est un film fauché, mais c’est également l’œuvre d’un passionné du cinéma-bis, qui a été en mesure de réaliser plusieurs longs métrages sans grand soutien financier mais avec l’aide d’amis partageant une passion commune. Un TIME DEMON 2 verra le jour quatre ans plus tard… dans le même esprit, cela va de soi.