Wolf Creek
Le principe est exactement identique à celui de l’inégalable chef-d’œuvre de Tobe Hooper. Greg McLean décrit l’irraisonnable excursion de trois jeunes gens dans des contrées suffisamment à l’écart des villes pour que la civilisation ne puisse plus y exercer une quelconque influence.
Deux jeunes filles d’origine britannique et un garçon de Sidney décident donc de faire une ballade l’espace d’un week-end et de visiter Wolf Creek, le site d’un immense cratère formé à la suite de la chute d’un météorite. C’est là, au beau milieu du désert du nord-est de l’Australie qu’ils vont faire une malheureuse rencontre…
WOLF CREEK n’échappe certes pas aux clichés du genre auquel il appartient. Par conséquent, on ne pourra que difficilement se retenir de lui reprocher certaines facilités. A un moment donné par exemple, les deux héroïnes disposent d’une occasion inespérée de supprimer radicalement leur gros problème mais, inexplicablement, ne la saisissent pas. De même, le scénario est bien entendu terriblement prévisible et même couru d’avance… Le réalisateur ne cherche pas à bouleverser les codes du genre, en revanche, il les applique à la perfection avec, par exemple, le passage durant lequel l’une des protagonistes pénètre dans l’antre du démon et découvre sa macabre “collection”. Celle-ci consiste en un amoncellement de photos et de vidéos ayant appartenues aux victimes de notre cinglé de service. Il y a là le nécessaire pour faire travailler l’imagination et rendre l’horreur plus grande ; la pauvre fille découvre en effet des vidéos familiales.
Contrairement aux slashers où le tueur est le seul et unique personnage réellement développé dans l’intrigue, WOLF CREEK ne délaisse pas ses victimes. Le réalisateur prend soin de les présenter lors d’une première partie très longue. Ces passages permettent de crédibiliser les trois adolescents. A aucun moment ils ne sont présentés comme des surhommes à l’instar de ces ados décérébrés qui pullulent dans les teenie movies. Notre Australien de Sidney et ses deux amies britanniques sont simples et bien réels.
Ce long préambule offre au film une construction particulière et originale. Le réalisateur prend le contre-pied de la plupart des films d’Horreur qui essayent d’aller rapidement dans le vif du sujet. A la manière de Hitchcock, il se sert d’une longue présentation des personnages pour les asseoir dans l’intrigue et leur donner de la crédibilité. Et c’est de la compassion éprouvée par le spectateur pour ces personnages que va naître le suspense.
Ce n’est finalement que vers le milieu du film qu’apparaît Mick, le fameux psychopathe qui arpente le désert à la recherche de victimes. S’il ressemble comme deux gouttes d’eau aux autres tueurs en série que nous connaissons, les relations qui se tissent entre lui et ses victimes démontrent une évolution dans le film de psycho-killers.
La rencontre du loup et des agneaux peut être brutale et sans sommation comme dans MASSACRE A LA TRONCONNEUSE. Dans le film de Tobe Hooper, les gamins sont naïfs et se jettent dans la gueule du loup. La famille de Leatherface frappe avec une telle violence que les pauvres gamins n’ont même pas le temps de comprendre ce qui leur arrive.
Dans LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE, la rencontre entre la bande de Krug et les deux jeunes filles est sournoise et perverse puisque les premiers leur font miroiter un peu de drogue afin de les attirer dans leur repère.
Dans les deux cas, Tobe Hooper et Wes craven décrivent la rencontre de l’innocence avec un monde vil, pervers, intéressé. Nos jeunes héros des survivals tendance seventies quittaient le cocon d’une société sécurisée issue des belles années 60 et se voyaient confrontés à la monstruosité la plus infamante puisque arborant un visage humain.
Dans WOLF CREEK, les jeunes ne sont pas nés de la dernière pluie et restent sur leur garde. Lors de la séquence de la veillée au coin du feu, Mick se livre pourtant mais ne reçoit en retour que le mépris des gamins. Lorsque la plus sensible des trois s’approche finalement de Mick pour lui présenter des excuses et le remercier pour son aide, elle ne peut s’empêcher de rajouter qu’elle préférerait quand même partir le plus rapidement possible…
Elle est loin l’époque naïve de Tobe Hooper ou de Wes Craven où les jeunes étaient de véritables pigeons que les serials killers n’avaient plus qu’à plumer. En revanche, cette crainte raisonnable de l’autre s’accompagne également de mépris et de suspicion qui empêchent toute communication. Cette distance que l’on met entre soi et les autres fait écho à l’individualisme de Marc Stevens pour Bartel dans le film CALVAIRE. Bartel qui, comme Mick, vient tout d’abord secourir sa future victime. Marc, lui, est loin de lui en être reconnaissant comme l’atteste la scène surréaliste du souper durant laquelle il se goinfre pendant que Bartel évoque sa misérable existence. Si le film de psycho-killer pointait du doigt l’american way of life en malmenant les valeurs héritées des années 60, son rôle dans les années 2000 semble être de mettre en exergue l’indifférence qui règne dans notre société.
Alors que les films d’Horreur sont depuis quelques années aux mains des Majors qui ont éradiqué de leurs contenus leur aspect subversif pour les transformer en simple cinéma popcorn, voilà un réalisateur, qui, dès son premier film, s’impose comme un bonhomme à suivre. S’il ne révolutionne pas le genre du psycho-killer, il a su intelligemment le faire évoluer. Mais WOLF CREEK est aussi un film parfaitement réussi, superbement photographié, doté d’une interprétation sans faille et particulièrement haletant… Des atouts qui devraient sceller sa place dans le podium des meilleurs films de psycho-killer.