Coming home

Un texte signé Alexandre Thevenot

Québec - 2008 - Eric Falardeau
Interprètes : Michel Vallières, Antoine Portelance, Marie-Hélène Gosselin, Frédérick Maheux.

Un homme sort de prison. Il rejoint un ami venu le chercher et ils repartent tous deux en voiture. Il fait froid, c’est l’hiver. Le voyage est long, les deux hommes restent silencieux. Puis tout à coup, au milieu de nulle part, perdus dans la plaine enneigée et parcourue par le vent, ils s’arrêtent. On comprend alors qu’un lien les unit. Et ce lien va s’exprimer par la haine que l’un d’eux éprouve à l’égard de celui qui vient de sortir de prison. Au fur et à mesure que le film progresse, différentes pistes sont avancées sur les raisons qui poussent l’individu à exercer une vengeance ; mais rien n’est sûr. Rien n’est sûr parce que ce qui intéresse le réalisateur Eric Falardeau, ce sont les conséquences de cette vengeance et les émotions intérieures qu’elle peut susciter une fois accomplie, une fois que l’acte et le sentiment de haine profonde ont disparu.
COMING HOME est un court-métrage dont le scénario et l’ambiance semblent s’inspirer de films reconnus tels FARGO des frères Coen (l’affiche du film est en tout point similaire d’ailleurs, même la couleur du titre) ou UN PLAN SIMPLE de Sam Raimi. Ces films ont avant tout pour point commun l’ambiance hivernale et le déchirement (moral autant que physique) des individus mis en scène.
Le court-métrage d’Eric Falardeau ne dépasse pas le quart d’heure. Cette durée courte permet au film de sortir des sentiers battus sans que l’ennui s’installe en n’axant pas le déroulement du récit sur l’histoire de vengeance en elle-même.
Trois parties différentes, si l’on excepte le générique et ses pistes d’interprétation, se détachent dans l’œuvre et marquent à chaque fois dans le cours du récit le passage à un nouvel état.
La première partie est caractérisée par le voyage en voiture et se constitue de plans longs sur les visages silencieux ou sur l’extérieur, au ciel aussi blanc-gris que le sol balayé par les bourrasques et le souffle angoissant du vent. Le réalisateur choisit ici de bâtir une atmosphère dérangeante aux couleurs à la fois froides et ternes. L’espace vide emmène le spectateur dans un lieu sans vie qui semble infini et qui, par jeu de contraires, va sembler fermé, étouffant. Le jeu sur les sons et la musique, peut-être un peu lourde de sens par son côté mélancolique, la place importante accordée au temps installent le spectateur dans une position qui ne lui est pas habituelle, et qui par conséquent le pousse à se poser des question : il est mis en tension et en attente.
La scène centrale est violente et rapide puisqu’il s’agit du moment où le meurtre est commis. Sa courte durée précipite l’action et l’on se retrouve obligé de la subir sans même prendre le temps de souffler. Elle joue un rôle de pivot dans l’œuvre et démontre par elle-même que l’intérêt du film ne réside pas dans l’acte de violence. Au contraire, elle fait bifurquer le récit vers ce sur quoi il veut finir : la représentation de la culpabilité du personnage et l’impossibilité d’une libération par l’acte de vengeance.
La partie finale peut dès lors déployer toutes les obsessions d’Eric Falardeau dans laquelle il met en scène graphiquement l’expression d’un remords profond et ineffaçable. L’homme est prostré, son regard tend inéluctablement vers le sol, l’espace semble se refermer autour de lui et une douleur palpable se fait sentir. Il se frotte rageusement les mains, dans une attitude aussi énergique que désespérée comme pour en nettoyer les salissures du meurtre qu’elles viennent de commettre, comme pour en enlever toute trace de responsabilité. Sauf qu’ici le sang du meurtre ne s’enlève pas, il afflue comme pour mieux signifier la douleur du moment, et les contradictions qui culminent à l’intérieur du personnage. D’une autre manière l’utilisation du sang semble faire un écho à PURGATORY (autre film du réalisateur) où l’irruption soudaine du gore ne sert pas à livrer un propos réaliste ou un propos plus humoristique, seulement révéler l’intériorité et la douleur des personnages.
COMING HOME est donc un titre frais, accueillant au regard de ce qui se passe ensuite. Le cinéma très calculé d’Eric Falardeau sort des sentiers battus pour livrer une véritable réflexion sur l’individu. Il parvient mieux encore à se dégager des références esthétiques parfois trop présentes de PURGATORY (le cinéma de Cronenberg en premier lieu) pour livrer ici un « film-expérience » original et singulier.

Cliquez ici pour voir le court-métrage


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Alexandre Thevenot

- Ses films préférés :

Share via
Copy link