La fille au sexe brillant

Un texte signé Philippe Delvaux

Belgique – France - 1976 - Jess Franco
Titres alternatifs : Shining sex
Interprètes : Lina Romay, Evelyne Scott, Monica Swinn, Olivier Mathot, Pierre Taylou, Claude Boisson

Cynthia est une jeune danseuse nue dans un cabaret interlope. Elle danse, le sexe vaguement masqué par une ceinture dorée, et subjugue les spectateurs. Elle est repérée par madame Alpha et ses sbires qui lui proposent une partie fine. Libertine, Cynthia accepte bien volontiers. Pendant les ébats, Alpha introduit dans le sexe de Cynthia une substance qui va lui permettre de prendre le contrôle de ses faits et gestes, pour utiliser notre jolie danseuse à de noirs desseins.
L’édition 2010 du festival bruxellois Offscreen proposait un hommage à Jess Franco, au cours duquel fut exhumée cette pépite, relativement rare et proposée dans une copie en bon état et de surcroît presque complète : la version de 90 minutes, alors que les organisateurs avaient initialement annoncé n’avoir pu obtenir que celle de 69 minutes. Elle est signée sous le pseudo de Dan L. Simon. Il semblerait qu’une version encore plus complète (100 minutes) ait récemment resurgi en dvd en Japon (éditée par Toei video/Tohokushinsha Home video), augmentée d’une séquence sur un bateau.
Comme souvent, dans la filmographie « francoesque », il semble que les distributeurs de l’époque se soient livrés à quelques tripatouillages sur le métrage. Ainsi, en 1979, on retrouve sur les écrans français LA SUCEUSE, monté à partir de séquence de LA FILLE AU SEXE BRILLANT. En Italie, JUSTINE (UNA MINORENNE DELIZIOSA) est élaboré à partir de séquences de SHINNING SEX , de MIDNIGHT PARTY et d’un JULIETTE non terminé auxquels ont été ajoutés des inserts pornographiques que certains attribuent à Joe d’Amato qui se serait occupé du remontage.
Mais le film initial est bel et bien sorti en 1977 sous le double titre SHINING SEX – LA FILLE AU SEXE BRILLANT. En France, il atteint les salles le 8 juin 1977. Le film a été coproduit par Eurociné et par la compagnie belge Brux International pictures, productrice de plusieurs Franco durant les seventies.
Il s’agit dans le montage complet d’un softcore tel qu’on pouvait les pratiquer en cette période charnière : en 1977, la loi française sur le X est déjà en vigueur mais le cinéma porno n’est pas encore complètement ghettoïsé. Il reste donc encore sur les écrans « non pornographiques » quelques érotiques qui se permettent des plans sexuellement démonstratifs. Par la suite, la séparation entre les deux parcs de salles va devenir plus nette. Dans le cas qui nous occupe ici, nous découvrons de très nombreux plans centrés sur la vulve de Lina Romay et quelques caresses digitales explicites. Côté masculin, la nudité frontale n’est pas évitée mais n’est pas non plus soulignée et on ne voit ni érection, ni pénétration.
Comme très souvent chez Franco ou d’autres cinéastes B et Z de l’époque, plusieurs films sont tournés en même temps pour amortir les frais. LA FILLE AU SEXE BRILLANT est donc indissociable de LA PARTOUSE DE MINUIT, autre érotique mais à la tonalité différente et qui a été également proposé par le focus du festival Offscreen.
L’atout majeur du film est de nous montrer le sexe intégralement rasé de Lina Romay. Car si aujourd’hui, l’épilation intégrale est en passe de devenir une norme, l’inverse prévalait dans les très « natures » années ’70. Les vulves (et souvent même le reste du corps) se devait alors d’être poilues. Les lèvres glabres de Lina Romay s’offrent alors ici en contrepoint, comme piment, perversité ou exotisme. Elles justifient donc à l’époque à elles seules le métrage.
Si l’argument est celui de la science-fiction, le traitement le confine cependant à la série Z désargentée. Alpha, vient d’une autre dimension et se sert de Cynthia pour séduire et assassiner ses opposants, Cynthia étant désormais recouverte d’une substance mortelle qui contamine ceux avec qui elle couche. Le sexe est porteur de mort, et ce plusieurs années avant le Sida ! … Jess Franco refaisant régulièrement de nouvelles versions, variantes ou démarquage de ses films, il tournera logiquement en 1986 une sorte de remake de LA FILLE AU SEXE BRILLANT sous l’intitulé SIDA, LA PESTE DEL SIGLO XX.
Le contrôle de l’esprit est un classique des motifs fantastiques. Couplé avec la sexualité et l’érotisme, il nous rapproche de ce qu’on trouve dans certains fumetti de Guido Crepax et par après de Milo Manara (Le déclic). Quant à la manière vicieuse d’empoisonner quelqu’un, l’imagination humaine est toujours fertile : récemment, et moins sexuellement, on se rappelle des affaires d’empoisonnement d’Alexandre Litvinenko au Polonium, attribué à l’espionnage russe ou de la tentative d’assassinat du candidat à la Présidence d’Ukraine, Viktor Iouchtchenko. Les empoisonneurs sévissent bel et bien encore de nos jours.
La substance au contact mortel apparait petit à petit sur le corps de Lina Romay, d’abord par quelques tâches, puis finalement par une poudre dorée qui exsude de tous ses pores… elle est bien la fille au sexe brillant ! L’effet est joli et rappelle évidemment (en moins travaillé) cette séquence de James Bond où une jeune femme meurt étouffée, la peau recouverte d’une pellicule d’or fin.
La direction d’acteurs est sommaire : poses hiératiques dans le meilleur des cas, figée ou inexpressive le plus souvent. L’effet n’est cependant pas catastrophique car il nous rapproche d’un autre art populaire, maintenant moribond mais qui sévissait encore à l’époque : le roman-photo.
Comme souvent, le cinéma populaire des années ’70 reflétait la modernité de son époque : papiers peints agressifs, musique jazzy de Daniel White, architecture moderniste en adéquation avec le thème fantastique, tous choix qui tranchent avec l’esthétique rétro qui sévit encore régulièrement actuellement lorsqu’on essaie de faire revivre un cinéma populaire à l’ancienne. Indissociable des ’70, l’incontournable fauteuil popularisé par l’affiche d’EMMANUELLE qui lui a valu une place de choix dans toute production érotique de l’époque se retrouve donc logiquement ici.
LA FILLE AU SEXE BRILLANT fait partie des relativement bons Jess Franco, mais nous a semblé inférieur au bien mieux joué et plus drôle LA PARTOUSE DE MINUIT.
Pour l’anecdote, il est touchant de voir Jess Franco jouer dans ce film le rôle d’un infirme confiné dans sa chaise roulante, le réalisateur, présent lors de cette rétrospective bruxelloise et âgé de presque 80 ans n’a de nos jours plus l’usage de ses jambes… ce qui ne l’empêche pourtant pas de continuer à tourner.
Alors, in fine, le sexe est-il brillant ? Oh, c’est bien connu, pour faire reluire, il faut lustrer, sans compter son énergie. Lustrons donc, comme l’illustre cette sympathique bande !

Cliquez ici pour lire l’article sur La partouze de minuit

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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare

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