Alice was my name
Alice, actrice débutante, enchaîne les castings sans grand succès quand un photographe la rattrape après un énième “on vous rappellera”. L’homme dit qu’elle serait parfaite pour une production en train de se monter et lui donne une adresse avec une heure de rendez-vous pour un mystérieux casting. Persuadée de détenir là sa chance, la jeune femme achète enfin la robe blanche qu’elle convoitait sans oser se l’offrir et se rend au fameux casting. Malheureusement les choses ne vont pas se passer comme prévu pour elle.
Production italienne sans budget, ALICE WAS MY NAME mise tout sur un genre qui a eu ses belles heures dans les années 70 et particulièrement dans le cinéma d’exploitation : le « rape and revenge ». Sortant en 2022, le film est conscient de l’évolution du cinéma de genre depuis la fin du cinéma d’exploitation. Ainsi, il place son récit dans un contexte moderne, tirant son inspiration du « torture-porn » des années 2000 (HOSTEL, MARTYRS, 8 MILIMETRE), en introduisant la notion de « snuff movie » qui va infuser tout le film. Mais également, puisque la thématique s’y prête, s’inspirant aussi du « found footage » et de son obsession pour la vidéo captant l’horreur.
Un Rape and Revenge
Brace Beltempo qui signe là son troisième long métrage, toujours dans la même veine horrifique que ses précédents (POE 4: THE BLACK CAT, THE CARPENTER’S HOUSE) qui rendaient eux aussi hommage aux films de genre plus classiques. Il travaille lui-même la photo du film en essayant de filmer au plus près la détresse de sa jeune héroïne campée par Melissa Di Cianni qui est tout aussi débutante que le personnage qu’elle incarne, puisque ALICE WAS MY NAME est son premier long métrage. Si l’on peut lui reprocher par moment de manquer peut-être de répertoire émotionnel dans son jeu, elle excelle néanmoins dans le rôle de la jeune ingénue et son physique de “baby face” colle parfaitement au décalage recherché.
Face à elle, la pire des crapules est incarnée par Alessandro Davoli à la très longue carrière en Italie que malheureusement on n’a pas eu souvent l’occasion de voir en France, mise à part peut-être dans la série SQUADRA CRIMINALE diffusée sur Arte. C’est le seul comédien d’ailleurs à posséder une telle carrière, le reste du casting n’ayant pas eu l’occasion de faire beaucoup de films avant celui-ci. Pourtant, le personnage du père mutique est assez impressionnant, sans nul doute dû à la physicalité de son comédien. À l’inverse Alessandro et Lorenzo cabotinent un peu trop par moment.
Porté par une adorable baby face
Le manque d’expérience professionnelle du casting tourne cependant à la catastrophe quand il s’allie à un manque de budget pour les effets spéciaux. Marco Cozzi fait ce qu’il peut pour combler un manque évident d’argent et de temps. Brace Beltempo essaie de camoufler ce manque de budget en choisissant de passer les scènes gores en accéléré, avec un effet “shaky-cam” qui pourrait avoir l’air d’un cache-misère s’il n’était pas étayé par une mise en scène réfléchie. En effet, la narration du film est rythmée par des choix plutôt malins.
Tout le film est raconté par Alice. Les instants gores sont des moments de traumatismes profondément choquants que revit sans cesse l’héroïne. Ainsi, la rapidité de ces scènes, leur manque de lisibilité s’explique par le fait que l’héroïne est sous le choc, preuve à l’appui : elle respire fort quand elle n’hurle pas et la musique devient plus nerveuse. Plus tard, des flashbacks viendront apporter un complément d’information. Quand les scènes chocs s’achèvent, la narration se détend et laisse place à de longues séquences d’errance de l’héroïne qui accuse le choc sous les nappes d’une musique de Emanuele Brancato qui a produit une bande sonore de qualité.
Et des choix esthétiques assumés
Si ces choix artistiques sont intéressants pour le récit, et appuyés par une recherche esthétique tant à l’image qu’au son, l’amateurisme du travail risque parfois d’être un peu gênant pour le spectateur. En effet, les séquences d’errance sont vraiment très longues, les flashbacks donnent parfois l’impression de remplissage alors que les séquences gores, qui attirent en général le public pour ce type de film, sont trop succinctes et pas assez travaillées. Ce déséquilibre pourra ainsi rendre le visionnage du film difficile, d’autant plus que l’édition du DVD laisse place à quelques secondes de noir entre chaque chapitre qui peut ne pas passer sur certains lecteurs. Malgré tout, on peut saluer ce travail et suivre l’artiste.
En effet, Brace Beltempo est à la fois le scénariste, producteur, réalisateur, chef opérateur et même le monteur avec l’aide toutefois de Lisa Rovo pour le scénario et d’Emanuele Brancato pour le montage. Il est toujours difficile d’opérer seul et de jouer les hommes d’orchestre. Particulièrement avec un petit budget et des acteurs débutants. Le résultat, bien que maladroit, reste prometteur.