Critique de Veneciafrenia d’Alex de la Iglesia
Le cinéma de genre l’a prouvé depuis longtemps, les enterrements de jeunes filles ou jeunes hommes, ça finit rarement bien. Chose qu’ignore la bande d’amis espagnols, bruyants et un poil vulgaires qui gagne Venise durant le festival. Ils sont accueillis dès la descente du paquebot par des manifestants en colère contre ce un monstre marin menaçant de dévorer leur cité. Passé la surprise, ils enfilent leurs costumes et parcourent la cité à la recherche d’une fête privée sans se douter une seule seconde qu’ils ont été choisis par une société secrète, bien décidée à aller plus loin qu’agiter des pancartes, pour montrer leur colère envers les touristes qui ravagent leur belle cité qui lutte pour ne pas être engloutie.
La dernière création d’Alex de la Iglesia
Le film est réalisé par Alex de la Iglesia, le réalisateur espagnol du JOUR DE LA BÊTE, LES SORCIÈRES DE ZUGARRAMURDI et BALADA TRISTE, qui est réputé pour son cinéma baroque, punk et mordant. Il n’est pas sans rappeler celui de Rob Zombie (DEVIL’S REJECT, LA MAISON DES MILLES MORTS) tant pour son affection pour les monstres, particulièrement quand ils sont fous ou meurtriers, que pour son attachement pour les marginaux et les oubliés de la société.
VENICIAFRENIA est un film d’horreur baroque et bariolé, frénétique et sombre qui rend hommage aux giallos. Ces films policiers à tendance horrifiques italiens ont émergé dans les années 1960. L’hommage rendu s’affiche dès le générique dont les couleurs et illustrations font directement référence aux affiches peintes des giallos. Impossible de ne pas songer à NE VOUS RETOURNEZ PAS de Nicolas Roeg quand la caméra suit les personnages courants affolés dans les ruelles sombres de Venise. Les costumes de la Commedia dell’arte et le théâtre à moitié englouti sous les eaux de la lagune nous évoquent OPERA de Dario Argento. Film qui est sans nul doute aussi la source d’inspiration pour un chat qui ne cesse de paraitre à l’image.
Un slasher aux inspirations baroques du giallo
Le film est également une ode à la beauté cachée, invitant le spectateur et les touristes malmenés durant le film à décrocher leurs yeux du téléphone pour observer le monde qui les entoure et à prêter attention aux beautés de ce monde menacées de disparaître. Évidemment, le film met également en exergue le problème de ces vagues de touristes amenés par des moyens de locomotions destructeurs et pollueurs. Les manifestations qui accueillent les héros n’ont en effet rien de fictionnel, si ce n’est que les militants vaincront puisque ces monstres des mers devront passer ailleurs.
Baignant dans le sang et la violence le film ne fait pas uniquement référence au giallo. VENECIAFRENIA emprunte beaucoup au code du survival: des jeunes gens agaçants confrontés à des rednecks, à un croque-mitaine ou encore à une nature effrayante. C’est surprenant de voir ces héros en danger dans une ville bondée de touristes… qui, les yeux rivés sur leurs écrans, ne seront d’aucunes aide !
Un voyage à la fin décevante ?
Peut-être que mêler toutes ces thématiques c’est un peu trop ? En effet, le film s’embourbe par moment dans son intrigue. Certaines scènes paraissent gratuites, comme celle de la tentative de meurtre raté, d’autres avancent beaucoup de promesses non tenues, notamment le final qui est décevant. Cependant, si l’on excepte ces défauts, il y a des séquences captivantes comme celle de la soirée ou celle du théâtre, une mise à mort tétanisante sous l’œil des smartphones et puis il y a l’attachant personnage de Rigoletto. Au point qu’on regrette qu’il ne soit pas plus présent.
Une des grandes réussites du film est de susciter la peur et l’effroi non seulement en plein jour, mais en pleine foule ! Comme chacun ne se préoccupe que de son écran de téléphone, les meurtres les plus spectaculaires passent inaperçus et rendent les personnes plus idoles encore. Dommage que le film parte ensuite sur une autre piste qui n’est pas correctement achevée.