Azarphaël, Roi du monde suivi de Jean Montségur
Christophe Lartas est sans doute le plus original des nombreux disciples de H.P. Lovecraft. Si tant est que l’on puisse le considérer comme tel. En effet, s’il reprend fréquemment à son compte les divinités atroces nées de l’imagination galopante de Lovecraft (Les Grands Anciens), s’il en crée même d’autres comme pour se conformer à une certaine tradition, Lartas les utilise d’une façon inédite en se refusant notamment d’imiter le type d’intrigues dites lovecraftiennes, ou même l’écriture du Maître de Providence (ce, malgré des points communs qui ne sont en aucune façon les preuves d’une volonté d’écrire « à la manière de ».)
Lartas met ainsi souvent en scène des créatures, dieux ou démons, en leur accordant le premier plan au détriment de l’espèce humaine, condamnée et souvent condamnable et qui ne sert ici que de chair à massacres. De même son profond pessimisme s’exprime à travers une vision politique, économique et écologique ténébreuse au possible de notre présent et de notre avenir proche. Lartas coupe aussi les ponts avec l’écriture pulp et la littérature populaire dont firent partie nombre d’écrits relatifs à ce qu’il est convenu de désigner comme le Mythe de Cthulhu. Christophe Lartas n’en fait qu’à sa tête, pourrait-on dire, sans soucis aucun de plaire au plus grand nombre. Lartas appartient peut-être à ces auteurs qui écrivent avant tout pour eux, comme sous le coup d’un désir aussi profond qu’impérieux. Tout le contraire d’un auteur de best-seller, en fait. Si, après coup, la prose hallucinée de Lartas rencontre son public, ce ne sera gage que de son originalité et de sa qualité.
L’écriture de Lartas est extrêmement riche et travaillée, à tel point qu’un lecteur inattentif pourra aisément se perdre dans ce déluge verbal et ces phrases parfois infiniment longues (mais toujours maîtrisées). Sa littérature réclame de la concentration et de l’effort. Lartas n’est pas un auteur à lire dans le métro. Dans la pénombre, le silence et la solitude, oui.
AZARPHAEL ROI DU MONDE nous présente l’un des dieux maléfiques de Lartas. Ce qu’il a accompli par le passé et ce qu’il change à son retour dans notre monde. Un monde corrompu, écologiquement délabré, moralement déchu. Un monde déjà promis à sa perte par les hommes décadents qui le commandent, tels des parasites avides et autodestructeurs.
AZARPHAEL, comme d’habitude, ne plaira pas à tout le monde. Avouons d’ailleurs que nous sommes sans doute passés à côté de ce petit roman, alors que nous suivons et apprécions Christophe Lartas depuis ses débuts à la Clef d’Argent. Après un début très prometteur, témoin de la décrépitude de notre vieille Terre, Lartas s’embourbe un peu avec des listes interminables de noms de personnages ou de villes qui rendent la lecture sans doute trop malaisée pour nous, et pour cette fois. De plus, Azarphaël n’est pas, tel qu’il nous est présenté, une créature aussi mémorable que ne le furent en leur temps SATANACHIAS ou les démons dévoreurs du roman PLANETE DES OMBRES. Dommage, peut-être. Encore que le style Lartas est si particulier qu’il saura toujours trouver une part importante de son lectorat pour le louer. C’est là le mérite d’une littérature au fond jamais lue ailleurs.Souvent extrêmement brillant, Christophe Lartas n’est jamais mauvais tant il est « autre ». C’est là tout l’intérêt de sa différence.
JEAN MONTSEGUR, la seconde novella de ce dernier recueil paru aux éditions de l’Abat-Jour, touche plus si l’on veut à une forme d’anticipation, ou de politique-fiction, qu’au fantastique inédit d’AZARPHAEL. Le Montségur en question est élu Président de la République française. L’occasion pour Christophe Lartas de développer encore davantage le côté politique de son oeuvre. Inutile de préciser que les réformes entreprises par Montségur pourraient radicalement bouleverser l’histoire future de notre pays. Au fait, qui est vraiment Jean Montségur et que désire-t-il pour la France – ou pour la Terre ? Seule la lecture de ce nouveau délire construit avec soin pourra en apporter la réponse. Avec son lot de surprises. Le pessimisme de cet auteur hors norme ressort dans ce nouveau chapitre d’une véritable épopée de la Condition (In)humaine progressivement développée au fil des publications.
Avec Christophe Lartas, le chaos, la guerre totale, voire la fin du monde ne sont jamais très loin…