Au sommaire du numéro 37 de Sueurs Froides :
Val Lewton, Nancy Drew, Ulli Lommel, Flower and Snake, Leprechaun, Patrice Herr Sang, Marian Dora.

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Beatrice Cenci

Un texte signé Tom Flener

Nationalité
Italie
Année de production

1969
Réalisation

Lucio Fulci
Interprètes

Tomas Milian, Adrienne Larussa, Georges Wilson, Mavie

Lucio Fulci, c’est le grand maître des zombies italiens, le maestro du gore. Néanmoins, cette réputation n’est finalement basée que sur quelques-uns de ses films. En effet, Lucio Fulci s’est essayé à une multitude de genres avant de trouver la célébrité dans l’excès de sang. Avec BEATRICE CENCI, et après plus d’une vingtaine de films déjà à son compte, Lucio Fulci réalise dans le genre historique l’un de ses meilleurs films. Néanmoins, ce drame réalisé entre PERVERSION STORY (1969) et LE VENIN DE LA PEUR (1971) reste une œuvre plutôt inconnue.
Francesco Cenci (Georges Wilson) est un tyran de famille de la pire espèce. Il traite ses enfants comme des animaux et fête même la mort de deux de ses fils. En effet, comme ça, ça lui fait deux bouches de moins à nourrir. S’ajoute que sa nature luisante et sympathique lui vaut des ennemis puissants dans l’église, qui est par contre presque impuissante à réagir. Lorsque Beatrice Cenci (Adrienne Larussa) convainc son servant, Olimpo (Tomas Milian), de liquider son père pour elle, elle ne sait pas que le clerc va profiter de la mort de Francesco Cenci.
Pour tous ceux qui n’ont vu que les films les plus connus de Lucio Fulci (L’ENFER DES ZOMBIES, FRAYEURS, L’AU-DELA, LA MAISON PRES DU CIMETIERE, L’EVENTREUR DE NEW YORK), la vision de ce film risque d’être une révélation. Avec une cinématographie compétente, des décors et costumes merveilleux, un script intéressant et des acteurs tout à fait à la hauteur de la complexité de leurs personnages, ce film se trouve à mille lieues des excès de ces œuvres.
Si on peut qualifier certains des films gores de Lucio Fulci de violence pornographique (dans le sens que presque chaque scène aboutit à la mort de l’un des protagonistes), dans BEATRICE CENCI, il prend son temps. Bien que le film soit basé sur des faits réels, et que la fin soit connue, Lucio Fulci arrive à maintenir l’intérêt du spectateur. La question ici n’est pas l’issue. Le réalisateur s’intéresse au comment, et surtout au pourquoi. Ainsi la structure de l’intrigue est totalement contrôlée, et avec l’utilisation très réfléchie de flashbacks, Lucio Fulci ne répond aux questions qu’au fur et à mesure.
Le budget assez confortable de ce tournage est surtout visible dans les décors et les costumes. L’ambiance de l’époque est parfaitement capturée, et même si Lucio Fulci préfère surtout se concentrer sur ses personnages principaux, les quelques scènes de masse sont traitées avec panache et savoir-faire.
Ceci dit, l’atout principal, et l’aspect du film qui véritablement sépare cet effort du maître de ses œuvres grand-guignolesques, est le jeu des acteurs. Si les caractères dans ses films gores sont surtout des clichés deux-dimensionnels ambulants dont la seule raison d’être est de se faire massacrer, on a affaire ici à des personnages complexes. Dans ce contexte, il faut surtout mentionner Georges Wilson et Adrienne Larussa. On peut dire que Georges Wilson a plus de facilité car il doit être plus que simplement méchant. Mais quel méchant quand même ! Il crée avec Francesco Cenci un vrai monstre, une excuse méprisable pour un être humain qui ne pense qu’à soi-même et mérite son sort final. On dit normalement que les méchants sont plus intéressants, et c’est certainement le cas ici. Peu importe combien on hait son personnage, il dévore l’écran chaque fois qu’il apparaît, et c’est un régal de le voir en rage contre l’humanité entière.
Le seul personnage qui peut le concurrencer est la Beatrice d’Adrienne Larussa. D’une beauté époustouflante et dotée d’une force admirable, on croit voir les étincelles voler chaque fois que son personnage est opposé à Francesco Cenci. Si dans une première phase, Olimpo est mis sur le devant de la scène, c’est Beatrice qui devient non seulement le centre de l’histoire, mais aussi le personnage le plus complexe du film. C’est également l’unique personnage du film qui fait évoluer l’avis du spectateur à son endroit. Il est presque inévitable, au début, de la considérer comme victime de son père. Et à voir les grands yeux tristes et les lèvres pulpeuses d’Adrienne Larussa, on comprend tout à fait pourquoi Olimpo fait tout pour elle. Par contre, plus l’intrigue avance et plus on comprend qu’elle a hérité de certains traits de son père. Comme lui, elle est têtue, forte, et poursuit ses buts jusqu’au bout. Intrigante, on se rend compte assez vite qu’elle utilise Olimpo surtout pour ses propres desseins. Si elle n’atteint jamais les mêmes sommets de misanthropie que son père, elle n’est pas non plus l’ange innocent dont Olimpo tombe amoureux. Malgré tout ce qu’il souffre, et malgré le fait que Beatrice le renie dans la salle de torture, il l’aime jusqu’à sa fin. Finalement, c’est le fait que le spectateur puisse comprendre son amour envers Beatrice, en voyant en même temps le caractère manipulateur de celle-ci, qui traduit le mieux cette complexité des personnages et le talent des acteurs à communiquer cette richesse.
Ainsi, Lucio Fulci ne nous dicte pas la position à prendre envers les personnages, et surtout à l’égard de Beatrice, il ne nous facilite pas les choix moraux. C’est ça qui élève ce film au-dessus de ses œuvres plus connues. N’oublions quand même pas que la violence n’est pas cachée dans BEATRICE CENCI. Les scènes de tortures n’atteignent pas le niveau de choc de LA MARQUE DU DIABLE, mais on voit déjà la tendance de Lucio Fulci à pousser les limites. Néanmoins, la violence ne prend jamais le devant et ne distrait jamais de l’histoire. Tous ceux qui ne voyaient dans ce réalisateur italien qu’un créateur de scènes gores sans grand talent de mise en scène se doivent de voir ce film qui montre ce que Lucio Fulci pouvait faire avec un bon script et des acteurs compétents.


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Article rédigé par Tom Flener

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