Black Dragons
Durant la seconde guerre mondiale, un groupe d’hommes importants semble comploter contre les États-Unis. Au cours d’un dîner où ils sont tous réunis arrive un mystérieux invité qui, par d’obscurs stratagèmes, va les tuer un par un.
Quand William Nigh, un Allemand vivant en Amérique, s’attache à la réalisation de ce film, il a déjà derrière lui une longue carrière de réalisateur – il mourra en 1955 à l’âge de 74 ans – mais est aussi acteur et même monteur, ainsi que producteur de quelques films. Cependant, pour BLACK DRAGONS, il se cantonnera au seul rôle de réalisateur.
Il s’y attelle en 1942, soit en pleine seconde guerre mondiale. L’intrigue se déroulant pendant ladite guerre, elle ne peut absolument pas être objective et dépeint donc des Japonais et des Allemands de manière franchement caricaturale. La scène se déroulant au Japon est à ce titre assez impressionnante, regroupant, en quelques minutes, tous les clichés possibles en matière de décoration, de tenues ou de paroles. Il est cependant difficile de blâmer réalisateur et scénariste pour avoir ainsi dépeint des ennemis qui venaient de faire subir Pearl-Harbor aux États-Unis.
En outre, cela ne gâche nullement l’intérêt du film puisqu’il ne cherche pas à brosser un tableau réaliste du conflit mais plutôt à instaurer une ambiance étrange, surréaliste, à la lisière du fantastique. Il y parvient en mettant en scène ces vils industriels, éminences grises des États-Unis cherchant à conduire le pays à sa perte et ce mystérieux justicier, joué par un Bela Lugosi excellent dont les intentions restent obscures jusqu’à la fin, luttant contre ces hommes travaillant pour l’Ennemi. Et au sein de cette ambiance paranoïaque, créée dès les premières minutes par nos hommes de l’ombre se serrant la main sur fond d’images de catastrophes apocalyptiques, la police essaie de comprendre ce qui se passe.
Le film ne montre que peu de meurtres et utilise pour en parler beaucoup de coupures de presses. Cet ingénieux stratagème fort peu coûteux est mixé avec des mains inertes tenant des poignards – la signature du meurtrier – qui s’ajoutent à ces images d’apocalypse pour instaurer une ambiance de menace sourde s’abattant de toutes parts sur le pays… L’ambiance est le point fort de ce film. Flirtant sans cesse avec le fantastique, elle plonge le public en plein doute quant à la nature exacte du mystérieux marionnettiste du film qui manipule apparemment avec la même agilité les personnages et les spectateurs.
Apparaissant et disparaissant, semblant utiliser des passages secrets, Bela Lugosi donne l’impression de contrôler la chair et l’esprit. Le film offre quelques scènes assez angoissantes nous montrant le « héros » penché au-dessus d’une de ses victimes, cette dernière répétant les paroles qu’il veut qu’elle dise, ou encore une autre, le visage comme un masque de cire effroyable, gémissant pour qu’on l’épargne. Et le scénario parvient à laisser planer le mystère jusqu’aux dernières minutes, où tout est enfin révélé, une conclusion plutôt sympathique et des plus surprenantes. Tous ces personnages dévoilent ainsi leur véritable nature et le dénouement révèle une manipulation dérangeante.