Chance féline mort crétine – Les félins dépouillés de leurs serviteurs
À la place, Isis piétine dans le sang humain…
Le lecteur nourri à un demi-siècle de culture populaire a bien compris ce qui se passe, lui. Mais la petite chatte, qui n’a jamais vu un film de Lucio Fulci, patauge dans l’incompréhension, elle.
Découvrir une apocalypse zombie à travers les yeux d’un animal domestique est extrêmement original. En revanche, l’auteure ne se sert pas de cette singularité pour aborder un message politique qu’il ne restait qu’à cueillir. George Romero s’était servi des zombies pour mieux démontrer que les vivants n’avaient plus rien d’humain depuis que la société de consommation les avait transformés en simples consommateurs. Dès lors, il ne restait qu’un pas à franchir pour aborder la domestication des individus. Dommage.
En revanche, Audrey Legrand choisit d’aborder l’apocalypse afin de démontrer ce qui se produirait si l’être humain n’avait plus la possibilité de s’occuper de ses animaux. Il est vrai que Fulci ou Romero ne se sont jamais souciés de savoir ce que deviendraient nos amis à quatre pattes si nous ne pouvions plus nous occuper d’eux…
Que deviendraient les chihuahuas et consorts dont les races sont propices aux césariennes ?
Les vaches sont également concernées… Les citadins pensent probablement qu’il n’y a pas de conséquence si le paysan oublie de traire sa vache. Cela va juste donner du lait concentré sucré… C’est faux. En effet, lorsque les humains sont occupés à échapper aux zombies, le lait s’accumule dans le pis des vaches et provoque des douleurs, voire des infections qui peuvent entraîner leur mort. Les gens de la campagne le savent bien, eux… Il leur arrive d’entendre les vaches crier de douleur lorsque l’éleveur a pris du retard dans son planning…
Il en est de même pour le chat. Ne pensez pas que son illustre origine féline garantit son autonomie en termes de subsistance… Une souris ou un mulot ne remplit pas son ventre, même de chat.
Bref… Cet aspect du roman est insolite et amusant. Drôle, le livre l’est surtout au début… Même lorsque les humains, y compris les enfants, se font dévorer les uns après les autres. Les réflexions de la minette individualiste et minaudière sont comiques. Avec ses airs supérieurs, on en vient même à se dire que c’est finalement bien fait pour elle, si elle n’est plus le centre de l’attention et des câlins de la famille. Isis fait sa crise de jalousie alors que tout le système est en train de s’effondrer et que l’humanité vit un cataclysme monumental… Chance Féline s’apparente alors à une petite parabole sur la mégalomanie.
Un passage du livre démontre un peu de précipitation et, parfois, des erreurs grammaticales surprennent, en particulier sur l’emploi des temps. Mais la lecture est très agréable. Les phrases simples délivrent à l’état brut les sentiments d’Isis.
En revanche, certains effets de style étonnent comme le fait que l’on découvre l’état réel d’Isis par les paroles des humains, qu’elle rapporte elle-même. Alors, à chaque fois, on a le coeur qui se resserre un peu plus. Il y a une grosse différence entre l’image que se fait Isis de sa condition physique et la réalité. À ce moment-là, on se rend compte qu’on s’est attaché à la pauvre petite minette qui doit s’en sortir seule dans un monde devenu hostile. C’est pourquoi le roman d’Audrey Legrand peut s’avérer parfois bien cruel.
En conclusion, la prochaine fois que votre chat vous snobera d’un air satisfait, faites-lui la lecture de Chance Féline mort crétine. Cela devrait lui faire comprendre qu’il est loin d’être aussi indépendant qu’il le pense…
J’ai eu plaisir de découvrir Chance Féline, mort crétine. C’est un bon petit roman, court et simple à lire ! Le genre de petit bijoux d’originalité qu’on a plaisir d’avoir dans sa bibliothèque.