Douce nuit Sanglante nuit (1984), Père Noël en colère
Les années 80 ont été une période faste pour le genre du slasher, avec les franchises à succès Halloween et Vendredi 13. Les producteurs ont alors inondé le marché avec des films à petit budget, plus ou moins réussis. Douce nuit, sanglante nuit s’inscrit dans cette tendance. Ira Barmak s’approprie le travail de Scott Schneid et Paul Caimi pour un faible financement. Il choisit un casting composé d’acteurs inconnus et engage Charles E Sellier Jr, un vétéran de la télévision à la réalisation. Le long métrage est renié par la plupart des membres de l’équipe et n’a pas connu un grand succès à sa sortie. Douce nuit, sanglante nuit est un témoin de son époque tout en étant un slasher divertissant qui mérite d’être découvert.
Le Père Noël passe à l’attaque
Vouloir pervertir la fête de Noël est une stratégie efficace pour attirer l’attention du public en le choquant. Cette célébration est étroitement liée à l’enfance et à l’innocence, cependant il existe un aspect sombre. Le film le rappelle dès son introduction via les paroles du grand-père de Billy, Le Père Noël surveille et juge les mauvaises personnes. Ceux qui sont sur la mauvaise liste seront punis par l’homme en rouge.
Cette affirmation suscite l’angoisse chez le petit garçon, qui redoute désormais la venue du Père Noël et interroge ses parents à ce sujet. Le spectateur peut ainsi se replonger dans ses propres souvenirs, avec l’image d’un enfant pleurant sur les genoux du Père Noël qui revient en tête. Ce symbole est à la fois aimé et craint, il peut facilement devenir une figure effrayante, à l’instar de Michael Myers.
Un autre aspect de l’utilisation de cette image est sa symbolisation de la société de consommation. Noël est une période qui génère beaucoup de revenus. Les années Reagan illustrent également cette époque où l’Amérique consommait abondamment tout en se présentant comme puritaine. L’utilisation du Père Noël prend donc tout son sens, permettant à Douce nuit, sanglante nuit de devenir un témoin critique de son époque. Le double visage de Billy, à la fois victime et agresseur, incarne également celui d’une Amérique hypocrite.
Tous les personnages du film ont un double visage. Le gentil marchand de jouets cache en réalité un homme qui déteste les enfants et ne s’intéresse qu’à l’argent. La nonne qui s’occupe des orphelins les maltraite, et la baby-sitter ne pense qu’à son petit ami. Tout dans ce métrage tourne autour de la dualité, souvent illustrée par l’utilisation du miroir. Le voyeurisme associé à Billy est aussi un moyen de dévoiler les illusions de cette société. Billy est le juge, car il est celui qui voit la vérité.
Le danger du refoulement
Un autre point, malheureusement pas suffisamment développé, est celui du traumatisme et de son refoulement. En choisissant de placer le spectateur du côté du tueur, Michael Hickey, le scénariste, souhaite permettre de comprendre la naissance d’un monstre.
Le protagoniste principal est témoin du décès de son père et de l’agression sexuelle de sa mère, avant que celle-ci soit égorgée. Quelques années plus tard, le spectateur le retrouve à l’orphelinat. L’enfant n’a pas réussi à se remettre de cette perte et ne bénéficie d’aucun soutien pour exprimer et comprendre ce traumatisme. Il est frappé par des crises d’angoisse à la simple vue du Père Noël. Une des sœurs tente de l’aider en lui témoignant de l’affection, mais cette idée est repoussée par la mère supérieure, qui considère le comportement de Billy comme de la rébellion à réprimer par la violence. Le petit garçon croit qu’il est mauvais et vit dans la peur du jugement.
Dix ans plus tard, il a 18 ans. Tout semble aller mieux pour lui. Dans un magnifique montage musical, le public le découvre travaillant joyeusement dans un magasin de jouets. Il paraît être apprécié et avoir mis derrière lui son terrible passé. Lorsque la saison des fêtes revient, Billy sombre à nouveau pour totalement vriller quand son patron l’oblige à endosser le rôle de sa Némésis, le Père Noël.
Charles E. Seller fait le choix de représenter Billy comme un véritable automate lorsque son esprit bascule. Il perd toute trace d’humanité pour se transformer en une machine implacable dont la seule mission est de châtier. Ses actions ne sont plus réfléchies. La manière dont Billy commet ses meurtres est également une manifestation de son traumatisme. Il étrangle, utilise des outils tels qu’un marteau ou une hache pour tuer les hommes. Pour ce qui est des femmes, les actes de violence revêtent une connotation sexuelle. Elles sont transpercées par des couteaux, des flèches ou bien encore par les bois d’un cerf. Une pénétration est toujours présente. Billy répète inlassablement les horreurs de son enfance. Il est dommage que l’aspect psychologique de ce drame ne soit mis en avant que par l’utilisation de flashs et de zooms.
La mise en scène reste trop simpliste. Étant issu de la télévision, Seller manque d’expérience dans le domaine du cinéma, surtout dans le genre horrifique. Le travail du monteur et du directeur de la seconde équipe, Michel Spence, a grandement contribué à l’aspect visuel. Le scénario ne consacre pas suffisamment de temps au développement des autres personnages. Sœur Margaret aurait mérité d’être plus développée, notamment après avoir indiqué qu’elle avait conscience de la violence dormante dans Billy. Elle aurait pu être un équivalent de Loomis. Ce personnage pouvait être une force d’opposition tout en guidant le public.
Malheureusement, il reste sous-exploité, tout comme la mère supérieure qui est l’un des éléments déclencheurs de la psychose de Billy. Le film se contente d’une succession de meurtres sans aller plus loin. Le dénouement tente vaguement de présenter cette folie comme une maladie ou une malédiction transmissible au frère de Billy. Si ce personnage avait été développé en parallèle, l’idée qu’il puisse succéder à son frère aurait eu un impact plus marquant sur le public. Malheureusement, cette idée sonne fausse et ridicule.