Dressé pour tuer
Long-métrage controversé, DRESSE POUR TUER s’inspire d’un récit autobiographique publié en 1970 par Romain Gary, deux fois prix Goncourt de littérature.
’écrivain et sa femme Jean Seberg vécurent en effet une aventure proche de celle relatée par le film de Samuel Fuller. Dans celui-ci une jeune actrice, Julie Sawyer, percute accidentellement un Berger allemand vagabond au pelage blanc alors qu’elle rentre en voiture dans sa maison, isolée sur les collines. Après avoir emmené l’animal chez un vétérinaire, Julie tente de retrouver son propriétaire mais personne ne se présente.
Agressée chez elle quelques temps plus tard, la jeune femme est sauvée d’un violeur récidiviste par l’intervention du chien qui maitrise le criminel. Julie décide alors d’adopter l’animal mais, lors d’un tournage, celui-ci attaque une de ses amies, Noire, apparemment sans raison. Décidée à contrer l’agressivité du clebs, l’actrice se rend chez un dresseur où une nouvelle attaque à lieu, une fois de plus à l’encontre d’un Noir. Le dresseur refuse de travailler avec l’animal qui est en réalité un « chien blanc », dressé depuis son plus jeune âge par un propriétaire raciste pour attaquer toutes personnes de couleur. Cependant, par défi, un autre dresseur, le Noir Keys, tente de guérir le chien et de supprimer le conditionnement meurtrier implanté par son ancien maître.
Dirigé par le fameux réalisateur de thrillers Samuel Fuller (SHOCK CORRIDOR) et co-scénarisé par Curtis Hanson (futur metteur en scène de LA MAIN SUR LE BERCEAU et, surtout, de L.A. CONFIDENTIAL), DRESSE POUR TUER constitue une œuvre intéressante quoique finalement un peu décevante. L’intrigue semble par exemple un peu faible, incapable de dépasser ses prémices de base et occultant totalement l’identité du premier maître du chien, lequel apparaît simplement lors du final. L’une ou l’autre séquence paraissent également un peu artificielles, l’évasion du chien ne servant qu’à introduire un rebondissement supplémentaire dans une intrigue sinon linéaire. Cette évasion donne cependant droit à une impressionnante attaque, un des rares vrais moment d’épouvante d’un métrage davantage porté sur le drame social que l’horreur pure.
Au niveau du thriller et du suspense, Samuel Fuller propose un joli travail de caméra et donne une certaine ampleur à son récit, en particulier lorsqu’il montre l’animal en action. Ayant choisi très symboliquement un énorme Berger allemand au pelage immaculé, Fuller compose des plans impressionnants au cours desquels l’animal s’élance vers la caméra, sa gueule grande ouverte dévoilant sa redoutable dentition. Ennio Morricone compose pour sa part une bande sonore efficace, à la fois angoissante et mélancolique, qui participe pleinement à l’atmosphère du métrage.
Si le chien blanc se montre véritablement terrifiant, le casting humain s’avère également solide. Paul Winfield (STAR TREK 2, TERMINATOR) tire la couverture à lui dans le rôle d’un dresseur noir passionné bien décidé à guérir le chien de son mal tandis que la très jeune Kristy McNichols (essentiellement une actrice du petit écran) se sort honorablement d’une performance difficile et parvient à donner une intéressante fragilité à son personnage.
Ayant connu de graves problèmes à sa sortie, DRESSE POUR TUER fut – assez inexplicablement – taxé de racisme par certains, au point que le métrage fut interdit aux Etats-Unis. Le métrage n’aura droit à une distribution en salles qu’en Europe même si une version remontée passa plus tard sur les chaines câblées américaines. Difficile à comprendre tant l’œuvre de Samuel Fuller s’inscrit résolument dans l’anti-racisme militant.
En dépit de ses faiblesses et d’un rythme assez lent, DRESSE POUR TUER demeure une œuvre intéressante, courageuse et originale sur un sujet rabâché par le cinéma américain mais ici utilisé de manière convaincante en support un thriller animalier fonctionnant également comme un « simple » drame angoissant.