Au sommaire du numéro 37 de Sueurs Froides :
Val Lewton, Nancy Drew, Ulli Lommel, Flower and Snake, Leprechaun, Patrice Herr Sang, Marian Dora.

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Enter the Void

Un texte signé Alexandre Thevenot

Nationalité
France
Année de production

2009
Réalisation

Gaspard Noe
Interprètes

Nathaniel Brown, Paz de la Huerta, Ciril Roy

Oscar vit à Tokyo. Fidèle à la promesse qu’il lui a faite enfant, il s’arrange pour que sa sœur Linda le rejoigne. Junkie, Oscar se met à vendre de la drogue pour survivre tandis que sa sœur devient très rapidement strip-teaseuse dans une boîte de nuit. Un soir, Oscar dealait dans le bar Le Void et est touché par une balle. Alors qu’il agonise, son esprit se détache de son corps et traverse les étapes de la mort décrites dans la religion bouddhiste.
C’est là le point de départ du film de Gaspard Noé, réalisateur français atypique qui est surtout connu pour IRREVERSIBLE. Il nous plonge une fois de plus dans les méandres de la conscience humaine pendant une expérience de deux heures trente dont on ne sort pas indemne. Pourquoi ? Parce que Gaspard Noé se présente comme un véritable artisan du 7ème art qui met ici en place une vision personnelle des relations humaines et du Soi par rapport au monde. Le générique sous forme de flash coloré, d’enseigne de magasin ou de publicité, est original et « explosif ». Complété par un rythme frénétique, il marque une tension dès les premières secondes de l’œuvre et en définit sa teneur.
La caméra est subjective de bout en bout, que ce soit une conscience dans un corps, lorsque Oscar est vivant ou une conscience qui suit l’ancien corps, lorsque Oscar est mort. Cela fait sans aucun doute penser aux jeux vidéos car l’incarnation d’un personnage se fait souvent par des positionnements de caméra semblables. La vision d’un Tokyo limité fait également penser à ces jeux dans lesquels les personnages évoluent dans des endroits restreints géographiquement et « thématiquement ». Ici, nous avons affaire à un enfer coloré et poisseux où les activités semblent se résumer à deux choses : le sexe et la drogue. Le réalisateur a créé un petit monde bien à lui dans lequel tous les éléments sont propices pour mener à bien de nouvelles expériences. Tout d’abord, il convient de faire pénétrer le spectateur dans ce monde, ce qui est facilité par le côté totalement subjectif du film. Cet aspect, qui peut paraître nouveau, a déjà été expérimenté par d’autres, et Gaspard Noé semble s’inspirer du style d’Alan Clarke dans ELEPHANT. Le spectateur devient personnage (Oscar) et vice versa, permettant ainsi de mieux pénétrer dans les maux d’Oscar. L’œil du spectateur est ainsi confronté à ce déluge de couleurs qui va progressivement autoriser une nouvelle représentation de la conscience et un certain psychédélisme moderne. Par moment, l’œuvre a tendance à tomber dans un gigantesque « bad-trip » et il ne faut pas forcément chercher à comprendre l’utilité de certains plans, à l’image de ces instants pendant lesquels la caméra fait des allers-retours avant de se plonger dans n’importe quel trou, fissure ou interstice. Á répétition durant tout le film, ces effets se révèlent plutôt gratuits et grossiers, puisqu’ils obéissent toujours, semble-t-il, au même principe sans jamais le changer. Si l’aspect formel du film est au premier abord particulièrement puissant, notamment dans sa capacité à créer par la débauche de couleur des images agressives et un climat oppressant, il s’estompe vite puisqu’il ne se renouvelle pas, n’est pas assez varié ou tout simplement ne sert pas assez le scénario.
Pour un film qui se passe au Japon, Gaspard Noé adapte son scénario et lui inscrit des thématiques qui parcourent le cinéma japonais depuis très longtemps, à savoir un mélange de questionnements existentiels et d’oppression qui a toujours révélé les malaises de la société japonaise. Le cheminement des différents protagonistes n’est finalement que la mise en perspective d’un mal profond qui touche tous les êtres humains. Oscar et Linda ne sont que des silhouettes perdues qui surnagent sur les mers de leur existence et qui finissent par couler. La débauche de couleur rend les images agressives et le climat oppressant traduit métaphoriquement les élans d’une jeunesse instable et en manque d’aide (familiale et gouvernementale). Ces thématiques ne sont pas sans renvoyer au cinéma de Koji Wakamatsu, à tel point que nous pourrions facilement trouver dans la fin de ENTER THE VOID un écho à QUAND L’EMBRYON PART BRACONNER. Lorsque l’esprit d’Oscar survole des centaines de couples éphémères voulant trouver un nouveau parent pour se réincarner, c’est comme si l’origine et la raison de l’existence tant recherchées par le personnage principal du film de Wakamatsu avaient enfin été découvertes.
ENTER THE VOID n’est finalement pas tant un film expérimental, comme on peut facilement l’entendre dire, qu’un drame violent sur la vie et ses misères vues par un cinéaste gavé d’une culture cinématographique qu’il utilise et réutilise (cinéma pornographique, cinéma japonais, cinéma d’exploitation) pour en faire une marque de fabrique. Malheureusement, le film souffre par son côté répétitif et sa durée. L’expérience est bien trop longue pour être supportée facilement. En ce sens, c’est même un film éprouvant, et peut-être serait-il nécessaire de le voir plusieurs fois pour mieux l’appréhender et en extraire tout l’intérêt (alliance des formes visuelles et des thèmes abordés).


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Article rédigé par Alexandre Thevenot