Femme âgée en détresse dans le macabre L’Enterrée vive
L’Enterrée vive est un représentant tardif du Psycho-biddy, sous-genre dans lequel de vielles dames se trouvent dans des situations périlleuses. Le genre déborde de petits trésors comme Qu’est-il arrivé à Baby Jane? (le tout premier de la catégorie sorti en 1962) ou encore Chut…chut…chère Charlotte (1964). Ce genre qui a émergé au début des années 60 pour se tarir au milieu de la même décennie a permis à de grandes stars hollywoodiennes de retrouver le devant de la scène.
C’est ainsi que L’Enterrée Vive nous offre l’occasion de retrouver Olivia de Havilland (déjà présente dans Chut…chut…chère Charlotte) que nous connaissons tous puisqu’elle était Melanie dans Autant en emporte le vent. Dans le film de Victor Fleming, elle incarnait un personnage effacé, discret, modeste. Dans L’Enterrée vive, c’est une autre facette de son jeu qu’elle dévoile à partir du moment où son personnage, Laura, découvre une femme gémissant dans l’ancien fumoir tombé en ruines et recouvert de terre depuis quelques années.
Le problème est que personne ne croit à son histoire. Son âge avancé, sa position sociale, les intérêts inavouables de certains qui souhaitent la faire passer pour folle afin de prendre le contrôle de sa fortune, la lâcheté d’autres qui préfèrent se prélasser dans leur petit confort, sont des obstacles infranchissables quand il s’agit de passer à l’action.
Olivia de Havilland est la grande attraction de cette histoire originellement imaginée par Ray Bradbury, l’un des plus grands auteurs américains du 20e siècle. La première scène présente aux spectateurs une veille dame qui n’a plus toute sa tête puisqu’elle a oublié qu’un vieux chêne était tombé sur la serre. Dans la seconde séquence, elle est terrorisée, hystérique, au moment de son affreuse découverte. Durant une bonne partie du film, nous assistons au rejet, au mépris et à l’humiliation qui lui sont infligés par les différentes personnes à qui elle demande de l’aide.
On pourrait être tenté de penser qu’il y a quelque part un petit sous-texte social dans ce film. En effet, Laura Wynant est une vieille femme dont la richesse fond comme un glaçon au soleil et dont la propriété est entourée de maisons logeant la nouvelle classe moyenne américaine. Mais il semble plutôt que le message se trouve dans la dernière partie du film. Dépitée par l’immobilisme de ses proches, elle décide en effet d’appliquer la morale de la fable Le Chartier embourbé de Jean de la Fontaine. : Aide-toi, le ciel t’aidera…
Si le Psycho-biddy est également surnommé « Grand Dame Guignol », c’est parce qu’il n’hésite pas à emprunter le chemin de l’épouvante et de l’horreur lorsque la possibilité se présente à lui. C’est d’autant plus pertinent que le péril qui menace ces vieilles personnes âgées est souvent d’ordre psychologique. Ainsi, pour les rendre folle, les tourmenteurs usent souvent de subterfuges… grand-guignolesques.
L’Enterrée Vive n’échappe par à la règle à l’occasion de deux séquences qui font dresser les cheveux sur la tête. D’abord, la découverte de l’enterrée prématurée, dont seul le visage est visible, est particulièrement éprouvante. L’effroi ressenti par Laura participe beaucoup au malaise qui s’installe. Le final est également un moment qui fait froid dans le dos puisque filmé comme un véritable film d’horreur.
Même s’il a été produit pour la télévision, de surcroît à une époque où le format était franchement déconsidéré, L’Enterrée vive a bénéficié de soutiens respectables. La conviction avec laquelle Olivia de Havilland incarne son personnage est un atout qui saute aux yeux. Quant à la présence de Joseph Cotten, elle profite clairement au film, même si la participation de l’acteur se limite à une courte scène. Le méchant de l’histoire est Ed Nelson dont le visage est bien connu des aficionados des productions télévisuelles des années 60. Il était l’un des principaux personnages de la série Peyton Place aux côtés de Ryan O’Neil. Pour l’Enterrée Vive, il incarne un méchant absolument abject : lâche, menteur, sournois.
Durant les années 60 et 70, Jack Smight a mis en scène le passionnant Frankenstein : La véritable histoire (1973), un téléfilm de trois heures adaptant fidèlement l’oeuvre de Mary Shelley. Il est également un pourvoyeur d’excellents épisodes pour la Quatrième Dimension comme The Night of the Meek ou Twenty Two. Avec L’Enterrée Vive, il propose un téléfilm dont la solidité honore un genre qui n’aura indubitablement pas connu d’oeuvres décevantes.