L’Aubergine est bien farcie
Pénétrons (c’est le cas de le dire) dans l’univers merveilleux de ces films pornographiques français aux titres évocateurs et délicats. LES PETITS DESSOUS DES GRANDS ENSEMBLES, JE SUIS VICIEUSE MAIS JE ME SOIGNE, J’AI TRÈS ENVIE DE NYMPHETTES A SODOMISER, sont autant de trouvailles cocasses et légères, dignes des plus beaux slogans de Thierry Ardisson, dont nous devons la paternité à un certain Michel Caputo.
Caputo s’empare du paysage cinématographique hexagonal à l’âge de 25 ans, en 1972, aux côtés de Jean-François Davy pour LE SEUIL DU VIDE en tant qu’assistant de production. La même année, il se lance dans la réalisation sous le pseudonyme de Michel Baudricourt en réalisant les séquences additionnelles de LES 69 DALMATIENNES de Franz Antel (DER BOCKERER). Riche de ces expériences, il tourne son premier long-métrage SOUPIRS PROFONDS et s’entoure de Richard Allan et de Dominique Erlanger, célèbre pour son rôle dans CHANGE PAS DE MAIN de Paul Vecchiali.
On dénombre à son actif un peu moins d’une centaine de métrages entre 1972 et 1988. Bien qu’il soit essentiellement reconnu pour son activité dans le milieu pornographique, on le retrouve également sur le registre de la comédie traditionnelle avec ARRÊTE DE RAMER, T’ATTAQUES LA FALAISE!, la comédie de troupier (LES PLANQUES DU RÉGIMENT), ou encore le polar érotique avec L’EXÉCUTRICE qui lui vaut une renommée internationale grâce à la présence hypnotique d’une Brigitte Lahaie armée jusqu’aux dents.
L’AUBERGINE EST BIEN FARCIE sort en 1981 dans plusieurs cinémas pornographiques parisiens. Puis il ressort par la suite en 1987 au Beverley. Michel Caputo est à la fois crédité sous le pseudonyme de Michel Baudricourt et celui de Paul Kerman, surnom également emprunté par Jean-François Davy (il se pourrait même que celui-ci soit en réalité le réalisateur principal …) ! Les deux compères sont plus ou moins inséparables depuis leur première expérience commune sur LE SEUIL DU VIDE. Ils produiront et réaliseront mutuellement leurs films, soit chez Fil à Film, soit chez Zoom 24, et joueront également l’un pour l’autre.
On retrouve ici au générique Cathy Dupré, Mika Barthel, Jack Gatteau, Dominique Aveline et Richard Allan sous le nom de Richard Lemieuvre au générique. Tous ces acteurs revêtent de multiples appellations tout au long de leur carrière, se croisent sur plusieurs tournages, exercent pour les mêmes sociétés de production … On peut considérer ce microcosme comme une sorte de famille joyeuse et délurée installant sur les plateaux une ambiance joviale et festive. Cette unité et cette complicité se ressentent tout à fait dans L’AUBERGINE EST BIEN FARCIE.
Cathy Dupré incarne une contractuelle qui découvre les plaisirs saphiques aux côtés de sa collègue, Mika Barthel. Cette dernière troque sa tenue “aubergine” contre la robe d’une ancienne avocate devenue prostituée. Cathy, par la suite, surprend son amant, Richard Allan, dans un cinéma porno (en l’occurrence, le cinéma Les Acacias projetant GOÛTS PERVERS D’UNE FEMME SOUMISE avec la présence de certains acteurs dans la salle). Elle organise alors, pour se venger, une orgie dans son petit appartement.
L’ambiance bon enfant, la photographie tout à fait correcte, et la prise de son directe (phénomène assez rare dans le X pour être souligné) font de ce film un objet divertissant et émoustillant. Bien qu’aucun personnage ne soit nommé, et que les dialogues trop écrits décrédibilisent un scénario déjà un peu trop bancal, on ne s’ennuie pas et on profite pleinement de la présence de performeurs talentueux et plein d’entrain.