Hardcore
BRP est une nouvelle série apparemment destinée à concurrencer ou remplacer les séries célèbres estampillées « Gérard de Villiers présente » dans les halls de gare, les supermarchés et même, mais oui, chez les libraires. On pense bien sûr à BRIGADE MONDAINE (dans les BRP, le flic Boris Corentin est à la retraite, génial clin d’œil !) et POLICE DES MŒURS.
Avec deux volumes publiés en juin 2014, FILLES INVISIBLES et HARDCORE, Sasha Morange (qui derrière le probable pseudonyme, un collectif ?) met le paquet. La suite est prévue pour la rentrée, trois titres sont déjà annoncés. Rappelons qu’il est dans l’intérêt de ce genre de séries de viser la productivité afin de fidéliser le lecteur. Ecrire vite (ou à plusieurs) est une règle en la matière, on ne devrait jamais attendre trop longtemps la suite d’un roman de gare. Au fond, cela fonctionne un peu comme une série T.V. ou un roman-feuilleton.
Les éditions Télémaque/Pénélope veulent assurément remplacer le roi du genre en France, après la mort du père de S.A.S en octobre 2013. On peut en effet se demander ce qu’il va advenir des séries qu’il publiait. Pour l’heure elles semblent avoir disparu en librairie, notamment la très bonne KIRA B, dont nous avons déjà parlé ici et dont nous attendons toujours le sixième volume (sans cesse reporté) à l’heure où nous écrivons ces lignes. On sait que De Villiers voulait que son héros Malko/S.A.S meurt avec lui, de là à entraîner tous les autres, il n’y a qu’un pas.
De façon amusante (au début, car cela devient très vite lassant), S.A.S est fréquemment cité dans HARDCORE, vraiment comme si Morange voulait s’inscrire pleinement dans la tradition Gérard de Villiers. Pourquoi pas ? On souhaite autant de succès à BRP qu’à BRIGADE MONDAINE, dont elle se veut l’héritière moderne et dynamique. On souhaiterait même que Télémaque/Pénélope développe d’autres séries du même style, dans les genres tout aussi codifiés du roman d’espionnage et de l’auto-justice (le devenir de L’EXECUTEUR en France pose aussi question après le décès de son éditeur).
HARDCORE est un très honnête roman policier dans lequel la Brigade de Répression du Proxénétisme enquête sur une affaire de snuff-movies, ces films pornos clandestins où les victimes seraient violées et assassinées pour de bon. Le titre du roman est d’ailleurs un évident hommage au très beau film de Paul Schrader sur le sujet. Pour en savoir plus, on lira avec profit LA MORT EN DIRECT, une étude de la journaliste Sarah Finger (qui cite SUEURS FROIDES et VIDEOTOPSIE !), mais aussi EXTREME de Julien Bétan qui aborde la question parmi d’autres.
HARDCORE traite un peu son sujet par-dessus la jambe. Il y a quelques scènes sadiques complaisantes, c’est assez dur, certes (surtout lorsque l’on sait que des enfants ou des adolescents sont horriblement impliqués), mais globalement Sasha Morange préfère se concentrer sur l’enquête (moyennement passionnante) et les turpitudes sexuelles de ses flics (un peu obsédés quand même, à part le catholique fervent). Ah cette scène de sexe en plein vol avec une vedette de télé-réalité, citation d’un vieux S.A.S à l’appui !
Enfin ça peut plaire, c’est même fait pour ça. Tout dans HARDCORE est tourné vers le plaisir du lecteur, comme dans tout bon roman de gare qui se respecte. Rien n’est oublié : action, érotisme, humour, émotion. HARDCORE est généreux. Personne ne pourra lui enlever ça.
Les méchants, un ex narco mexicain et sa copine, sadiques et pédophiles, sont bien campés et à vrai dire plus originaux que les gentils. Tant mieux, meilleur est le méchant … meilleur est le roman !
Du début à la fin, le bouquin est réussi, sans éclat particulier cependant. En matière de snuff, on est évidemment loin de MURDER PROD, un roman Trash de Kriss Vilà absolument glacial et terrifiant. Trop de gaudriole dans HARDCORE pour parvenir à de telles extrémités… et à un tel sommet. Ce n’est assurément pas le but non plus.
Comme dans TRAUMA, de Dario Argento, une guillotine électrique est utilisée par les narcos pour régler leurs comptes. Ca rappellera des souvenirs aux fans du Maestro le temps d’une belle scène horrifique… et achèvera de rendre le roman sympathique à leurs yeux.