Femina Ridens (1969) – sexy giallo pop
Long-métrage inclassable que l’on pourrait qualifier de « pop », FEMINA RIDESN (alias LE DUO DE LA MORT) a été fréquemment associé au giallo, bien qu’il n’en reprenne que certains éléments. L’ensemble s’apparente surtout à un mélange de drame et de thriller psychologique saupoudré d’une pincée d’érotisme. Graphiquement timoré, le film développe cependant un sous-texte sadien prononcé, teinté de fétichisme et même, pour reprendre un terme actuel, de masculinisme triomphant. Du moins durant la majeure partie de son déroulé car les dernières minutes inversent radicalement la tendance pour plonger, au contraire, dans un manifeste volontiers féministe. Durant ce dénouement, prévisible mais plaisant, interviennent les aspects les plus proches du giallo dit de « machination » qui explique l’inclusion, quelque peu forcée mais acceptable, du métrage au sein du filon italien.
Le riche docteur Sayer (Philippe Leroy) mène une existence dominée par le luxe dans sa vaste propriété. Effrayé par la gent féminine, il a cependant l’habitude de se payer, chaque vendredi, une prostituée. Il aime leur infliger diverses souffrances et humiliations. Une routine troublée par l’empêchement de la belle de nuit hebdomadaire et l’arrivée de la journaliste Maria (Dagmar Lassander). Celle-ci souhaite effectuer un reportage sur les nouvelles méthodes contraceptives développées par Sayer. Or, les vues féministes de la demoiselle s’opposent aux conceptions machistes du médecin. Toutefois, n’ayant personne à martyriser, le médecin l’invite néanmoins chez lui afin d’approfondir la discussion. Sayer drogue ensuite la boisson de Maria qui se réveille enchainée dans les appartements privés du médecin bien décidé à la soumettre à toutes ses fantaisies sexuelles. Il lui avoue d’ailleurs rapidement avoir tué bien d’autres jeunes filles et lui promet qu’elle connaitra un sort semblable. Maria pourra t’elle émouvoir le psychopathe ?
Cinéaste ayant surtout œuvré pour les petits écrans, Piero Schivazappa n’a guère travaillé pour le septième art. Il a livré cinq réalisations en un quart de siècle, dont ce FEMINA RIDENS, son film le plus connu et célébré. Variation sur L’OBSEDE, le long-métrage aligne les séquences timidement sadomasochistes pour illustrer la relation toxique entre le médecin misogyne et sa proie. Toutefois, cette dernière se révèle moins innocente qu’il n’y parait et le final offre un petit twist quelque peu attendu mais efficace.
Dans le rôle d’un homme névrosé, maladivement effrayé par les femmes, le vétéran parisien Philippe Leroy (NIKITA, PORTIER DE NUIT) livre une belle performance : témoignant une possible homosexualité réprouvée, il assouvit ses fantasmes dominateurs auprès de prostituées. Dagmar Lassander (APOCALYPSE DANS L’OCEAN ROUGE), pour sa part, impose son physique attrayant et se montre crédible en journaliste soumise puis manipulatrice. Ce duo (de la mort) occupe seul l’écran durant 90% du temps de projection, en un curieux huis-clos.
En dépit des bonnes performances de ces deux comédiens, le véritable centre d’intérêt de FEMINA RIDENS réside surtout dans l’esthétique sixties et psychédélique développée par le cinéaste. Très influencé par le pop-art, statue géante et gigantesque vagin denté signé Niky de Saint-Phalle incluse, le film joue sur les compositions de couleurs et les décors stylisés, lesquels constituent de véritables tableaux empreints d’un fétichisme réjouissant. Les influences picturales et visuelles, légèrement « arty », crédibilisent le long-métrage et lui confèrent une réelle élégance susceptible de l’élever au-dessus du tout venant de la production de cette époque.
La célèbre bande originale de Stelvio Cipriani s’avère, elle aussi, très efficace, le maestro proposant divers thèmes mémorables et une chanson imparable. FEMINA RIDENS témoigne donc d’une époque révolue où le cinéma d’auteur et le cinoche populaire, voire d’exploitation, copulaient joyeusement dans un ensemble tour à tour intello et érotique. Un mélange de sexy thriller lorgnant sur le giallo et de comédie dramatique d’inspiration sadienne où la substance se montre indéniablement plus importante que le sens.
Sans doute un poil longuet en dépit de sa durée restreinte, FEMINA RIDENS n’en demeure pas moins un intéressant artefact en provenance direct des sixties : sexy, pop, psychédélique, gentiment osé et, au final, plaisant. Bref, une curiosité.