L’Oeil du labyrinthe, un giallo de la catégorie art et essai
Deux meurtres, le premier en début de film, l’autre à la fin. C’est tout. L’Oeil du labyrinthe de Mario Caiano est décidément un giallo pas comme les autres, atypique, plutôt psychanalytique, voire auteurisant…
Dans son rêve, Julie voit son psychiatre et amant Luca sauvagement assassiné après avoir été poursuivi à travers un labyrinthe. Le lendemain, elle constate que Luca a effectivement disparu. Elle mène l’enquête. Selon les indices qu’elle parvient à réunir, le jeune homme se trouverait dans le petit village de Maracudi en bord de mer. Déterminée, Julie se rend sur la côte pour faire la lumière sur la disparition de son ami.
L’essentiel de l’histoire se déroule dans une villa qui surplombe la Méditerranée. Totalement isolée du reste du monde, elle se trouve occupée par une drôle de bande de zigotos…
D’abord, il y a la maîtresse de maison, Gerda. Femme riche, sa fortune n’a cependant pas été acquise de manière très morale. Par ailleurs, elle assouvit son besoin de domination masculine en entretenant le beau Michael Maien, tout juste sorti de l’adolescence.
En outre, elle héberge des artistes oisifs qui se prélassent au soleil sur la terrasse.
Parmi eux, Frank pourrait s’avérer une personne de confiance, mais ne joue-t-il pas un double jeu ?
Eugene, de son côté, est un pédophile incestueux.
Quant à Corrine, elle n’est pas tout à fait ce qu’elle semble être…
Enfin, Toni est sexuellement passive. Elle accorde une grande importance à sa virginité, dont l’un des invités finira par abuser en la violant.
L’histoire est rythmée par les révélations concernant les différents protagonistes. Certains réservent même des sacrées surprises ! Ainsi, les vérités inavouables se succèdent en attendant, bien évidemment, celle, décisive, de la fin du métrage.
À ce titre, le film de Mario Caiano peut également s’appuyer sur un sacré casting. Adolfo Celi est un incontournable du Bis transalpin. Mais le grand public le connaît aussi grâce à son interprétation d’Emilio Largo. C’est lui qui vole des têtes nucléaires sous le nez de Sean Connery, alias James Bond. Sybil Danning est l’une des premières reines de la série B. Elle doit sa couronne à son charme et son dynamisme. L’Allemand Horst Frank est également un habitué de la série B, et en particulier des westerns spaghetti.
Le rôle principal, celui de Julie, est tenu par la très belle Rosemary Dexter qui, en 1965, était aux côtés de Marcello Mastroianni, Michèle Mercier, Virna Lisi et Marisa Mell, dans Casanova 70 de Mario Monicelli. Plus tard, elle a également joué le rôle de la sœur de Lee Van Cleef dans …Et pour quelques dollars de plus de Sergio Leone. Sous la réalisation de Mario Caiano, Rosemary Dexter incarne une héroïne attachante grâce à sa candeur, sa sensualité et sa détermination.
Quant à l’insaisissable Frank, difficile de cerner le personnage… Représente-t-il une aide sérieuse et sincère pour Julie ?
Dans cette ambiance tendue, un climat de méfiance et de paranoïa s’installe pendant que l’érotisme, omniprésent, se démarque par son aspect réprimé et donc, évidemment, déviant. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que le final en apothéose ressemble à ce point à un orgasme intense et furtif. L’accomplissement d’une satisfaction rageuse mais imparfaite, dont l’outil perforateur est évidemment un couteau…
Un second visionnage permet de constater à quel point le scénario se révèle juste et solide. Par exemple, des scènes ou des informations délivrées à la sauvette en début de métrage prennent finalement tout leur sens au moment du dénouement. Ainsi, le film s’avère pétri d’indices, certainement pas anodins ou décoratifs, exprimant au contraire des choix artistiques précis et significatifs.
Dans ces conditions, L’Oeil du labyrinthe peut prendre l’aspect d’un cinéma d’art et essai. Mais certainement pas de la trempe de ceux qui embourbent le spectateur dans un sommeil léthargique. En réalité, le film est furieusement divertissant.
Parce que L’Oeil du labyrinthe, c’est aussi l’Italie des années 70, enchanteresse avec son couvent en ruine, ses petites rues pavées, son village en bord de mer, l’eau turquoise et paisible de la Méditerranée.
Naturellement, comme tout bon giallo qui se respecte, la révélation finale met le spectateur devant la réalité la moins prévisible, illustrant par la même occasion que les protagonistes de la villa étaient bel et bien insondables.
L’Oeil du labyrinthe s’inscrit pleinement dans la tradition du giallo tout en favorisant un film non narratif, décrivant davantage un état particulier… Ah, ce labyrinthe qui ne se contente pas seulement de hanter les rêves de Julie !