Un texte signé André Quintaine

Japon - 1961 - Yûzô Kawashima
Titres alternatifs : Onna wa nido umareru, Women are Born Twice
Interprètes : Ayako Wakao, Sô Yamamura, Jun Fujimaki, Furankî Sakai, Kyû Sazanka, Hisano Yamaoka, Kuniichi Takami, Mayumi Kurata...

retrospective

Les femmes naissent deux fois – enfantées par les hommes

Ayako Wakao, actrice principale du film Les femmes naissent deux fois, est l’une des plus grandes actrices japonaises du 20e siècle. Symbole de la femme japonaise moderne et éternelle, elle figure dans de nombreux drames pendant les années 60, comme La Femme de Seisaku (1965), Confessions d’une épouse (1961), Tatouage (1966)… Ou encore L’Ange rouge (1966), chef-d’oeuvre signé Yasuzo Masumura dans lequel elle cherche à percer le cœur des hommes.

Dans Les femmes naissent deux fois, son personnage ne cherche pas à comprendre ce qu’attendent les hommes des femmes. Elle se contente de jouer le rôle que ces derniers ont assigné aux femmes… Ainsi, elle incarne la jolie geisha Koen qui vend son corps dans une maison close. Son activité lui permet de vivre aisément mais la jeune femme n’est pas heureuse pour autant. Elle décide alors de quitter son métier de geisha pour commencer une nouvelle vie. Cette fois-ci en devenant la maîtresse d’un architecte plus âgé qui entreprend de parfaire son instruction de femme…

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Le titre attribué par Yûzô Kawashima à son film, Les femmes naissent deux fois, fait écho à la célèbre phrase de Simone de Beauvoir : « On ne naît pas femme : on le devient. ». À travers cette citation extraite d’un essai publié en 1949, Le Deuxième Sexe, la philosophe dénonce une civilisation qui a élaboré un produit qualifié de féminin et auquel doivent s’identifier les femmes.

Pour Koen, il s’agit donc, après avoir été une première fois accouchée, de connaître un second avènement pour correspondre aux stéréotypes dits féminins. Ceux-ci sont définis par la civilisation, elle-même régentée par les hommes afin d’asseoir leur domination.

En somme, les femmes ne souffrent pas d’inégalité ou de soumission. De manière plus perfide, elles se voient attribuer un rôle qui les met, de fait, dans une infériorité bien commode pour le sexe fort. En effet, a-t-on jamais vu un objet de distraction se rebeller ?

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Un élément soutenu par le ton employé par le film. Tout ce qui se déroule sous nos yeux est décrit de manière parfaitement normale. Que ce soit le rôle tenu par Koen au service des hommes, ou son allégeance incontestable. Elle ne pense même pas à protester lorsque son amant projette de s’attribuer la place de son père, la prendre sous son aile et poursuivre son éducation.

Sur le plan formel, Les femmes naissent deux fois est une œuvre formidable. La plongée dans le Japon des années 60 impressionne… Le spectateur a le sentiment d’y être, de se tenir réellement à côté des protagonistes, et ce, grâce aux décors chargés et personnages filmés au plus près. La bande-son est, quant à elle, saturée des bruits de fond de la ville : train qui passe près de la gare, avertisseurs des bateaux dans le port, musique émanant des appartements voisins ou des locaux des entreprises attenantes.

Dans ce contexte, le film prend des allures de documentaire fiction, décrivant la vie d’une geisha. La forme servant alors le fond… L’absence de voix off accentue le réalisme. Ainsi, aucune réflexion personnelle ne vient aiguiller le spectateur sur les pensées profondes de Koen. En a-t-elle seulement ? Le film répondra finalement par l’affirmative en quittant son héroïne, enfin seule et dans le calme, à l’écart de la civilisation, en proie à une profonde réflexion. Peut-être le début de la véritable émancipation ?


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- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks... Passionné de cinéma de genre, oeuvre également sur les blogs ThrillerAllee consacré au cinéma allemand et L'Écran Méchant Loup dédié aux lycanthropes au cinéma

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