Un texte signé André Quintaine

USA - 1995 - John Carpenter
Titres alternatifs : Village of the Damned
Interprètes : Christopher Reeve, Kirstie Alley, Linda Kozlowski, Michael Paré, Meredith Salenger, Mark Hamill...

retrospective

Le Village des damnés (1995) – pour un message humaniste

En 1995, Carpenter est déjà un réalisateur estimé dans le domaine du fantastique et de la science-fiction. Peut-être même est-il considéré comme l’un des meilleurs. Sa filmographie était d’ailleurs déjà ponctuée de nombreux chefs-d’œuvre tels que La Chose ou Halloween. En outre, au moment de s’emparer du remake du film Le Village des damnés, il vient tout juste de terminer l’un de ses meilleurs métrages : L’Antre de la Folie.

Autant dire que cette nouvelle version du classique de 1960 signé Wolf Rilla était très attendue.

La déception fut d’autant plus grande.

Le village des déconvenues

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Le Village des damnés dispose pourtant d’un casting prestigieux avec, en tête d’affiche Christopher Reeve (Superman – 1978), Kirstie Alley (Invasion Los Angeles – 1988), Michael Paré (Les Rues de feu – 1984) ou encore Mark Hamill (La Guerre des étoiles – 1977).

Malheureusement, les stars sont étrangement utilisées…

Pour commencer, Michael Paré, le beau gosse des années 80, voit son personnage rendre l’âme après seulement dix minutes de film.

Ensuite, difficile de ressentir de la compassion pour le héros incarné par le pourtant sympathique Christopher Reeve. C’est d’autant plus étrange qu’il est fortement malmené par un scénario qui l’afflige de la perte de son épouse dès le début du métrage. Probable que ce paradoxe soit dû à ces incessants sauts temporels qui nuisent à une construction cohérente de l’histoire et des protagonistes…

Le traitement du personnage de Kirstie Alley s’avère tout aussi surprenant… C’est une femme forte qui converse avec les hommes de l’ombre, à la manière de l’homme à la cigarette de la série X-Files. Bien sûr, elle n’a pas d’enfant. Or, simultanément, elle doit gérer une affaire où des femmes sont mises enceintes de manière surnaturelle… Des contrastes intéressants mais qui ne sont malheureusement pas exploités. Au point que l’on a bien du mal à cerner ses intentions, en particulier lorsqu’elle kidnappe l’un des enfants morts-nés pour le conserver dans un bocal…

Seul Mark Hamill, dans le rôle du curé de la paroisse, propose un personnage cohérent. Non seulement, il s’attache à cet enfant qu’il ne devrait pas élever, mais il se montre en outre incapable de proposer des explications spirituelles. La contradiction est menée de manière intéressante par feu Luke Skywalker.

Les enfants de la colère

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Le casting n’est pas la seule source de déception. En effet, certaines séquences terriblement prometteuses se révèlent particulièrement frustrantes. Ainsi, l’accouchement de masse des mères miraculeusement fécondées est tristement survolé…

Quoi qu’il en soit, ces défauts ne doivent pas faire oublier les qualités évidentes du Village des damnés. D’une part, le film mal-aimé de John Carpenter se laisse voir sans ennui grâce à un rythme soutenu. D’autre part, le scénario, suffisamment riche, aborde de manière surprenante des questions intéressantes.

Que ce soit dans le film de 1960 ou dans celui de 1995, un paisible village est bien victime d’un étrange phénomène… Pendant plusieurs heures, les habitants s’assoupissent, sans explication. Peu de temps après, les victimes découvrent, stupéfaites, que toutes les femmes du petit bourg sont enceintes….

Le film signé par l’Allemand Wolf Rilla exploitait parfaitement la paranoïa de l’époque. La crainte de l’ennemi intérieur, communiste, était transposée sous l’apparence d’enfants infiltrés dans la sainte famille américaine…

Comme le communisme ne fait plus peur à personne à la veille des années 2000, John Carpenter propose, pour sa part, une réflexion sur l’empathie.

La clé c’est l’empathie

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« Ça n’a rien à voir avec la haine, c’est une nécessité biologique, nous devons survivre. Devons-nous vous autoriser à vivre, c’est la question… » raisonne la cheffe de file des enfants extra-terrestres…

Une déclaration que Christopher Reeve ne peut pas laisser passer sans réagir. Il s’énerve, trépigne, s’agite… Mais il n’arrive pas à faire entendre raison à ses interlocuteurs en culottes courtes : « Vous pouvez nous dominer, mais sans empathie cela ne sert à rien. Sans compassion vous êtes une espèce condamnée » dit-il avec force, mais sans pour autant parvenir à convaincre.

Diantre, comment inculquer l’empathie à ces enfants méprisants ? Pas par la contrainte en tout cas, visiblement…

Finalement, c’est en perdant sa partenaire assignée que l’un des enfants développe finalement une émotion ressemblant fortement à la souffrance. Une affection qui lui permet de développer un lien avec les humains qui ont également subi la perte d’un être cher. L’empathie est là.

La clé c’est donc l’empathie, c’est elle qui nous rend humain. Un message difficile à entendre dans une société narcissique. Peut-être un début d’explication à l’échec commercial rencontré par le film ?


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- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks... Passionné de cinéma de genre, oeuvre également sur les blogs ThrillerAllee consacré au cinéma allemand et L'Écran Méchant Loup dédié aux lycanthropes au cinéma

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