Un texte signé Jérôme Pottier

Grande-Bretagne - 1968 - Guy Green
Interprètes : Michael Caine, Anthony Quinn, Candice Bergen, Anna Karina

retrospective

The Magus

En 1968, la France gaulliste vacille devant les étudiants en révolte. Aux Etats-Unis, les anti-guerre du Vietnam organisent la riposte et Romero fignole LA NUIT DES MORTS-VIVANTS. De par le monde, les limites musicales sont explosées par Led Zep, Pink Floyd, Frank Zappa, Captain Beefheart, etc. Ce foisonnement culturel touche bien évidemment la littérature. L’écrivain britannique John Fowles fait alors partie d’un groupe d’auteurs psychédéliques remarqué. Il écrit des textes teintés de fantastique et d’érotisme, dont THE MAGUS.
Nicholas Urfe est professeur d’anglais. Il se rend sur une charmante petite île grecque pour reprendre le poste d’un enseignant qui vient de se suicider dans d’étranges conditions. Il ne tarde pas à rencontrer un personnage mystérieux qui se prétend magicien : Maurice Conchis…
THE MAGUS est l’adaptation (par lui-même) d’une nouvelle sulfureuse de John Fowles, la mise en image de cette œuvre étant confiée à Guy Green. Ce dernier, un directeur de la photographie de renom, est l’un des réalisateurs non crédités de l’ennuyeux LES 55 JOURS DE PEKIN (1963). Il est surtout le co-fondateur avec, entre autre, le génial Jack Cardiff (chef opérateur sur 70 longs métrages, dont quelques chef-d’œuvres, tel LE NARCISSE NOIR (1947) de Michael Powell et Emeric Pressburger) de la « British Society of Cinematographers ». Il est donc énormément respecté au Royaume-Uni pour avoir permis à la profession de directeur de la photo de s’organiser.
A ce technicien réputé s’ajoute une distribution extraordinaire. Ainsi, le grand Michael Caine (qui a déjà douze ans de carrière au compteur) est confronté ici au mystérieux Anthony Quinn (qui lui en est déjà à plus de 100 films tournés). Le casting féminin comprend Candice Bergen, tout juste sortie du tournage de VIVRE POUR VIVRE (1967) de Claude Lelouch. A l’époque, le Français est adulé partout dans le monde – depuis l’insipide UN HOMME ET UNE FEMME (Palme d’Or 1966 à Cannes, Oscar du meilleur film étranger et du meilleur scénario en 1967), on le considère comme un digne représentant de la Nouvelle Vague. La belle américaine est accompagnée de l’une des plus sublimes égéries de la Nouvelle Vague : Anna Karina. La belle franco-danoise, bien que très jeune, a déjà à l’époque tourné pour les plus grands, dont Godard et Varda.
Tout semble parfait pour ce film qui s’annonce des plus prometteurs. Deux monstres sacrés s’opposent pendant que deux bombes sexuelles se trémoussent sous le soleil enivrant de la Grèce…
Et bien que nenni : à part la très belle photographie (et encore, on a parfois la désagréable impression d’être au milieu d’un dépliant publicitaire pour agence de voyage), il y a peu à sauver du marasme que constituent ces bobines.
On peut bien sûr rire devant un Anthony Quinn sans cesse en short et tee-shirt à rayures venu se faire payer des vacances aux frais de la production. On peut aussi pouffer devant la nullité des dialogues, qui se veulent maniérés. Ainsi, Candice Bergen passe son temps à affoler la libido de Michael Caine lorsqu’il ne se baigne pas (l’un de ses grands passe-temps dans cette pelloche). Lors d’un repas, Anthony Quinn fait les présentations. Elle s’exclame : « il fait très chaud ce soir ! », avec le regard langoureux d’un poulpe enamouré. C’est sans doute cela, être provocant ! Seule Anna Karina joue correctement son rôle stéréotypé de femme torturée façon cinéma d’auteur… C’est vrai que certaines scènes très psychédéliques sont plutôt rigolotes, mais cela ne suffit pas à satisfaire tout bon cinéphile qui se respecte. Au milieu de tout ce fatras vient s’intercaler un flash-back laborieux avec des méchants soldats allemands. Comprenne qui pourra !
Cet immense ratage est le résultat d’un scénario ennuyeux, d’une réalisation mollassonne et d’une interprétation inconsistante.


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- Article rédigé par : Jérôme Pottier

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