Un texte signé Patryck Ficini

Espagne - 1973 - Amando de Ossorio
Titres alternatifs : Las Garras de Lorelei
Interprètes : Tony Kendall, Helga Liné, Silvia Tortosa

retrospective

Loreley’s Grasp

Un monstre massacre des filles dans un village allemand. Un chasseur est engagé pour les protéger. Le monstre n’est autre que la mystérieuse Loreleï.
Il est regrettable de voir les fantastiqueurs, petits et grands, souvent brasser ad vitam eternam les mêmes thèmes sempiternels : Frankenstein, momies, loups-garous et autres vampires (quitte à les renouveler bien sûr)… En effet, il est évident que le folklore mondial recèle, à travers légendes, contes et mythologies, de nombreuses créatures fantastiques jamais ou trop rarement abordées. Sans compter le fait que l’on adapte toujours les mêmes auteurs (Stoker, King, etc…) en négligeant bien d’autres, tout aussi novateurs (Jean Ray, Marc Agapit, Serge Brussolo, pour ne citer qu’eux). L’on peut s’interroger sur cette routine au sein d’un genre intimement lié à l’imaginaire, qui permet toutes les folies et toutes les originalités. Parmi les raisons de ce manque d’audace, suggérons : volonté commerciale de faire de l’argent en ressassant les mêmes recettes qui marchent comme sur des roulettes et, tout simplement, manque de curiosité culturelle chez les réalisateurs du genre. Des films comme LA GORGONE de Terence Fischer ou LA FEMME-REPTILE de John Gilling sont donc diablement intéressants à ce titre. A sa façon, Amando de Ossorio, le papa de la si sympatique tétralogie des Templiers zombies (même si elle n’offre que de rares éclairs de génie), réussit ici cet exploit et s’inscrit pleinement dans cette filiation. LAS GARRAS DE LORELEI exploite en effet la fameuse Lorelei, cette sirène du Rhin issue de la littérature allemande. Un thème rarement exploré dans l’épouvante.
Plein d’audace, de Ossorio brode inventivement autour de ce thème déjà passionnant. Ainsi fait-il de la Lorelei une femme superbe qui se transforme en monstre visqueux (requin humanoïde ?)°les nuits de pleine lune pour massacrer les nombreuses donzelles d’une école féminine du coin. L’inspiration rejoint ici LYCANTHROPUS (et son loup-garou) et NUDE SI MUORE (et son tueur), qui oeuvraient dans un même décor. Si l’on ajoute que de Ossorio s’inspire aussi vaguement de la légende des Nibelungen (qui inspirera aussi Leiji Matsumoto pour un curieux ALBATOR !) et donne une explication pseudo-scientifique aux transformations, reconnaissons aisément que l’on se trouve face à un film original. Et peu importe qu’il soit construit simplement sur une suite d’attaques du monstre, comme bien d‘autres films d’horreur. N’en demandons pas trop ! A propos, les meurtres sont très gore, avec force gros plans de chairs déchirées. Et, ce n’est pas rien, Helga Liné est la Lorelei. Effectivement, comment résister au charme de cette ex spy-girl qui sut si bien se reconvertir dans le fantastique espagnol les années 70 venues (la berlinoise avait d’ailleurs commencé sa carrière par LES AMANTS D’OUTRE-TOMBE…) ? Les scènes où elle charme le héros sont évidemment très crédibles. Même lorsqu’elle court au bord de l’eau de façon bien empruntée, on ne résiste pas. Une belle femme, aussi ridiculisée soit-elle, reste avant tout une belle femme. Même si elle déclencha apparemment l’hilarité du public du 6ème festival de Sitges 1973, selon Alain Venisse, qui juge d’ailleurs très sévèrement le film dans Vampirella 12.
Le héros, chasseur expert le fusil à la main payé pour protéger les donzelles, c’est Tony Kendall. Très viril (la chemise constamment ouverte sur sa poitrine musclée et velue), le physique américain, Luciano Stella de son vrai nom ne fut jamais un grand acteur même si l’on prit grand plaisir à le voir en Commissaire X pour Frank Kramer. Toujours est-il que son physique de macho seventies plaira aux homosexuels et aux femmes épris de charmes rétro.
A ses côtés, nous avons le plaisir de découvrir Silvia Tortosa, dont l’incroyable beauté fait étonnament pâlir celle d’Helga Liné ! On a qu’une envie : la voir dans d’autres films, fantastiques ou non ! Signalons aussi le balafré Luis Barboo en serviteur de la Lorelei (Albéric, beau mélange !), correct et loin de ses prestations grotesques dans les Frankenstein de Jess Franco (où il se faisait notamment fouetter le sexe à l’air !)
LAS GARRAS DE LORELEI pourra déplaire à certains qui le bouderont au prétexte fallacieux qu’un espagnol n’aurait pas à s’emparer d’un mythe allemand. Et pourquoi donc ? L’imaginaire, peu importe son origine, appartient Dieu merci à tout le monde. Une dernière chose : le temple de la Lorelei est vraiment superbe et son éclairage soigné !


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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