Huesera (2022) – Maternité prescrite
Huesera est un film mexicain qui réussit le pari de faire peur tout en abordant sans concession une thématique qui normalement ne devrait pas faire froid dans le dos : la maternité.
Jeunesse insouciante
Il fut un temps où Valeria traînait avec ses amis marginaux, se défoulant dans des concerts punks pour finir ses nuits chez son amie Octavia.
Mais cette époque est révolue. Valeria s’est rangée, devenant même le prototype parfait de la femme au foyer, promise à l’enfantement.
Valeria vit désormais avec Raoul. Obtenir un bébé est le premier souci de leur couple, ce qui signifie faire l’amour même quand on n’en a pas envie.
Les week-ends, Valeria les passe une dois sur deux avec ses beaux-parents bourgeois. Elle alterne en se rendant dans sa propre famille, où elle ne se sent pas vraiment à l’aise. En effet, ses proches ne ratent jamais une occasion de lui rappeler comment petite elle avait fait tomber de ses bras le bébé du voisin. Depuis, tout le monde se demande si cela n’expliquerait pas pourquoi il est si lent à la comprenette…
Lorsque finalement Raoul et Valeria parviennent à leurs fins, la joie est de courte durée… Raoul ne voit plus en Valeria qu’une mère porteuse. Quant à la jeune femme, elle se met à la pratique ennuyeuse du yoga pour se préparer à l’accouchement. Bien sûr, elle doit arrêter son travail qui la passionnait et désormais, on ne la félicite plus pour la qualité de son travail mais parce que son poids est idéal pour la croissance de bébé.
Plus ennuyeux, d’étranges visions sorties tout droit d’un film de fantômes japonais l’assaillent de plus en plus souvent…
C’est son destin de femme
Si Valeria n’a pas les épaules pour devenir une maman, Natalia Solián, quant à elle, porte bien le film sur les siennes. La simplicité de l’actrice, qui n’hésite pas à s’enlaidir pour apporter encore plus de naturel et de crédibilité à son personnage, désarme le spectateur et l’on tombe sous le charme de son personnage tragique qui va de désillusion en désillusion. Sans la qualité de la prestation de Natalia Solián, nul doute que Valeria serait passée pour une fille vulgairement capricieuse, invisibilisant ainsi le message de la réalisatrice.
La réussite de Michelle Garza Cervera est d’être parvenue à nous laisser approcher au plus près de Valeria et de ses fantômes. Son comportement irrationnel interroge et ne trouve pas de réponse dans le film, certes. Mais cette proximité avec Valeria, permet de partager sa souffrance de ne pas pouvoir endosser ce rôle de mère assigné socialement.
Et lorsque les fantômes de son passé font alors irruption, on craint à ce moment-là le pire pour la jeune femme.
Fantômes mexicains
L’adhésion de Huesera au cinéma fantastique n’est pas évidente. Mais la musique inquiétante, une créature désarticulée aux os qui craquent désagréablement, les jump scare, ainsi que le folklore et l’occultisme local restent les ingrédients principaux d’un suspens de tous les instants qui ne baisse jamais d’intensité.
Par ailleurs, si Michelle Garza Cervera a parfaitement su appliquer les codes nippons de la représentation de fantômes effrayants, la jeune réalisatrice démontre également qu’elle est capable d’innover dans l’art de faire peur en proposant des superpositions d’images troublantes pour figurer les hallucinations cauchemardesques de Valeria.
D’ailleurs, ce n’est pas pour rien si Huesera a remporté le prix du meilleur film au festival de Sitges en 2022.