Ligne De Mire
L’Émir, terrible terroriste, est enfin emprisonné, mais cela n’arrête pas les risques de terrorisme. Alors que Jack Ryan lutte pour revenir à la Maison Blanche, son fils, au sein du Campus (organisation de lutte antiterroriste clandestine), s’en va combattre une coalition cherchant à monter le Pakistan et l’Inde l’un contre l’autre. Même si, pour cela, ils doivent faire exploser des bombes nucléaires.
Tom Clancy est un auteur visionnaire qui a toujours eu à cœur d’œuvrer dans le thriller politico-technologique. Ainsi, de livre en livre, il a fait évoluer ses personnages, Jack Ryan ayant commencé comme simple analyste de la CIA avant de gouverner le pays, puis, lors de LIGNE DE MIRE, de tenter d’y revenir. Les ouvrages de l’auteur ont souvent été adaptés à l’écran (A LA POURSUITE D’OCTOBRE ROUGE, LA SOMME DE TOUTES LES PEURS, DANGER IMMEDIAT entre-autres), et son univers à été adapté en jeu vidéo (« Splinter Cell », « Rainbow Six »). Tom Clancy est mort en 2013, mais cela faisait quelques ouvrages qu’il n’écrivait plus lui-même. Ainsi, MORT OU VIF semblait ne plus anticiper la réalité, mais y répondre (en livrant sa propre version de Ben Laden et de sa traque), et cette tendance se confirme avec LIGNE DE MIRE. A cela s’ajoute une tendance à l’auto-justice qui n’était pas présente précédemment et, si les personnages de Clancy ont toujours eu une tendance à s’investir au-delà du raisonnable, aucun n’avait, jusque-là, trouver une justification à la torture, entre-autre.
Avec LIGNE DE MIRE, le lecteur habitué à l’univers de l’auteur retrouve avec plaisir les personnages qu’il a l’habitude de côtoyer. Jack Ryan se bat pour reprendre la présidence des mains d’un président faible, tandis que son fils, John Clark et Domingo Chavez, poursuivent un nouveau terroriste, particulièrement retors. En cela, l’histoire de LIGNE DE MIRE n’est pas vraiment différente du précédent ouvrage, le terrible Émir (sosie de Ben Laden) étant remplacé par un homme encore plus dangereux, manipulant plusieurs groupes terroristes pour prendre le contrôle du Pakistan quitte, pour cela, à déclencher une guerre nucléaire avec l’Inde. La grosse différence vient donc du fait que le danger est international et ne concerne, finalement, pas les Etats-Unis (même si le vol de deux bombes nucléaires concerne tout le monde), mais les deux pays précités, ainsi que la Russie. Bien entendu, comme toujours, ce sera à l’Amérique (représentée par le Campus, organisation clandestine) de sauver tout le monde.
Le livre est très bien écrit, fluide dans sa narration, très cinématographique dans ses nombreuses séquences d’action, et extrêmement précis dans les descriptions politiques et technologiques. LIGNE DE MIRE est ainsi un très bon thriller d’action, dont les pages se tournent à grande vitesse, passionnant dans ce qu’il met en scène (et son degré de réalisme, même s’il ne fait que s’inspirer de l’actualité) mais, comme dans l’ouvrage précédent, quelque peu nauséeux dans son propos.
En effet, si Jack Ryan cherche à reprendre le gouvernement des États-Unis, c’est en grande partie pour éviter pour que l’Émir ne soit jugé par un tribunal civil et ne puisse utiliser son long procès comme tribune à ses propos terroristes. Il désire que ce dernier soit face à un tribunal militaire et ne puisse s’exprimer dans les médias. En soit, l’idée est intéressante mais le voir se retrouver à Guantánamo laisse songeur quant à la manière dont il est jugé, quand on sait à quel point les conditions y sont, dans la réalité, abominables, et à quel point on peut y perdre tous ses droits. Ainsi, l’arrivée de Jack Ryan a la présidence a, en fin d’ouvrage, non pas l’accent du retour d’un président fort qui veut redonner à l’Amérique sa gloire passée, mais sonne comme l’arrivée d’un dictateur militaire. Reste pour le lecteur à voir ce que donnera son mandat, qui débute dans l’ouvrage suivant. De même, une nouvelle utilisation de la torture pour parvenir à ses fins, même si elle est compréhensible au vu de l’urgence de la situation, gène un peu, quand elle est rattachée au reste.
LIGNE DE MIRE reste un grand thriller politique, très intéressant à lire malgré les quelques coquilles et erreur de noms, mais il poursuit un changement d’idéologie un peu dérangeant, entamé avec MORT OU VIF. Reste à voir comment progressera la série, et jusqu’où elle ira en la matière. Cependant, l’amateur de l’auteur appréciera l’évolution de personnages qu’il a appris à apprécier, et les autres découvriront des héros forts et volontaires, profitant des nombreux tomes précédents qui ont permis de les développer.