Psychomania
Tom Latham, jeune délinquant aux manières avenantes, est à la tête du gang de motards “Living Dead”. Parés de casques en forme de tête de mort, les jeunes bikers s’appliquent à leur activité préférée : terroriser et maltraiter les honnêtes gens. Afin d’accéder à la vie éternelle, ils décident un jour de pactiser avec des forces occultes. Ces dernières leur promettent de revenir d’entre les morts s’ils se suicident en ayant foi en leur résurrection. Avec plus ou moins de succès, chacun des membres mettra fin à ses propres jours (de manière parfois plutôt originale) et les élus pourront à nouveau enfourcher leurs bécanes et semer la terreur… pour l’éternité ?
PSYCHOMANIA traite du conflit générationnel (les jeunes motards contre le reste de la société, plus âgée) et de celui de la contre-culture (les motards contre la société petite-bourgeoise). Des thèmes que chaque génération et chaque époque resservent à leur sauce, mais qui se sont sans doute exprimés avec plus de pertinence à l’orée des années ’70, époque de contestation s’il en est.
Du point de vue de la seule critique cinématographique, PSYCHOMANIA relève des films de série, qui ne déméritent pas, sans cependant non plus briller particulièrement. Il ressort un peu du lot par l’incongruité de son argument qui voit des motards chercher activement la mort pour mieux accéder à la vie éternelle. On retrouve alors un certain humour macabre typiquement anglais.
Début des années ’70, les films de bikers se portent bien. La culture motard et le célèbre club des Hell’s Angel sont nés de l’immédiat après seconde guerre mondiale. Avec un tel patronyme, pas étonnant qu’un mythe se crée rapidement. Toujours fasciné par les bad boys et le crime organisé, le cinéma est prompt à s’en emparer, et la culture ado et rock des années ’50 amène donc peu à peu sur le devant de la scène la figure du rebelle à bécane, les années ’60 proposent déjà pas moins d’une trentaine de films apparentés à la culture biker, mais c’est EASY RIDER (1969) qui servira de caisse de résonnance, lançant le genre pour de bon. La production s’intensifie et une soixantaine de productions émailleront les années ’70. Par après, le rythme baissera légèrement, sans cependant jamais s’effacer vraiment. Tout récemment (en 2014), les éditions Serious Publishing éditaient d’ailleurs l’anthologie « Bikers – Les motards sauvages à l’écran ».
PSYCHOMANIA est un produit hybride : film de motards mâtiné de fantastique horrifique et teinté d’humour à l’anglaise. Ce mélange représente bien l’état de la production populaire de l’époque, qui tente de renouveler les genres installés quelques années plus tôt : ainsi par exemple du western italien qui n’en finit plus de se mélanger à la comédie ou au Kung Fu. Après tout, les motards ne sont jamais qu’un nouvel avatar du cow-boy ; ainsi du Nouvel Hollywood qui ébranle durablement l’ancien système des studios et leurs formules classiques… Nouvel Hollywood justement fondé par EASY RIDER ; ainsi enfin de l’horreur, qui abandonne les oripeaux du gothique pour renouveler ses figures sous un mode plus contemporain et « rough ». Fin des années ’60, un petit film bouleverse les codes : Georges Romero et sa NUIT DES MORTS-VIVANTS assoient le zombie moderne. PSYCHOMANIA n’est certes pas une variante motorisée de cette Nuit, mais il amène néanmoins le mort-vivant au sein du genre motard. Le rapprochement n’est pas anodin, un des titres de PSYCHOMANIA a d’ailleurs été THE LIVING DEAD. Par un étonnant retour de balancier, George Romero se branchera lui aussi sur le monde des deux roues le temps de l’étonnant et peu connu KNIGHTRIDER, là aussi une tentative de mélange qui voit des motards (non voyous, pour une fois) recréer des tournois forains de chevalerie.
Et pourtant, avec PSYCHOMANIA, on se trouve non pas aux côtés de zombies décérébrés, mais de suicidés revenus à la vie suite à un pacte avec des forces occultes. C’est donc un aspect plus classique, aux relents gothiques (la sorcellerie, le manoir familial), qui s’explique peut-être par le passé à la Hammer de son réalisateur, Don Sharp, et donc aussi par l’origine anglaise plutôt qu’américaine du film.
Si les films de motards présentent souvent un gang de voyous à bécanes, on peut trouver un autre ascendant à PSYCHOMANIA, qui lui est presque contemporain : à l’époque, ORANGE MECANIQUE (1971) et ses jeunes criminels défraient la chronique, jusqu’à se voir durablement interdire d’exploitation en Angleterre. En variante, nettement plus bis et moins marquante, d’une histoire de jeunes délinquants, PSYCHOMANIA prend donc tout son sens, du moins du point de vue de l’origine de la production.
Mais les ascendances sont nombreuses. On pourrait farfouiller dans tous le genre du film de motards, on se contentera de livrer encore deux titres : en 1969, Al Adamson livre son SATAN SADIST qui précède donc de peu les living dead de PSYCHOMANIA. Là aussi, un gang si pas satanique, du moins intitulé Satan (le genre s’est soit référé explicitement aux Hell’s Angel, soit au contraire a tourné autour de l’appellation). Enfin, la consonance du titre PSYCHOMANIA évoque bien entendu le MOTORPSYCHO de Russ Meyer.
Don Sharp (1921-2011) est un ancien de la Hammer. On lui doit LE BAISER DU VAMPIRE (1963), LES PIRATES DU DIABLE (1964), RASPOUTINE : LE MOINE FOU et plusieurs autres titres avec Christopher Lee, notamment des Fu Manchu (LE MASQUE DE FU MANCHU 1965, LES 13 FIANCEES DE FU MANCHU ), une itération de LA MOUCHE : LA MALEDICTION DE LA MOUCHE (1965), WITCHCRAFT (1964). Le remake de 1978 des 39 MARCHES. Sa fin de carrière le verra encore aux commandes d’un dernier film d’horreur, en 1985 : WHAT WAITS BELOW (au Canada : LE SECRET DES CAVERNES OUBLIEES), d’ailleurs co-scénarisé par l’ancien de la Hammer Freddie Francis.
Outre THE LIVING DEAD, PSYCHOMANIA est encore connu sous le titre américain de THE DEATH WHEELER, renvoyant plus explicitement au monde des motards.
Pour l’anecdote, PSYCHOMANIA fut le dernier rôle de Georges Sanders, ici dans le rôle du serviteur Shadwell/Satan, qui se suicida peu après, parait-il par lassitude de la vie. Une fin en raccord avec celle des protagonistes du film, mais qui ne le fit pas revenir parmi nous, hélas.
PSYCHOMANIA a été présenté au festival Offscreen 2014, dans le cadre de la théma « Mind the gap », consacrée aux péloches décalées made in Britain.