THE MEDIUM
Banjong Pisanthanakun est un jeune réalisateur thaïlandais à succès grâce à ses films précédents, SHUTTER (2004) et ALONE (2007). Au scénario de son nouveau film, c’est le réalisateur coréen Na Hong-Jin qui vient poser sa patte et ses cauchemars. Son influence se fait sentir à travers les personnages et le thème, constituant une sorte de diptyque avec l’oeuvre précédente de Na Hong-Jin, THE STRANGERS.
Une équipe de documentaristes se rend dans une province du nord-est de la Thaïlande dans le but de filmer le quotidien de Nim, une chaman qui dit incarner la déesse Ba Yan. Au cours de leur reportage, ils font la connaissance de la famille de Nim, dont la nièce, Mink, manifeste soudain un comportement inquiétant. Nim soupçonne qu’elle est possédée par quelque chose, et alors qu’elle enquête, elle assiste à l’effondrement violent de sa famille.
La mise en scène du film se présente sous la forme d’un found footage, dispositif classique des 20 dernières années dans le film d’horreur. Contrairement à un grand nombre de productions du genre, la facture de THE MEDIUM est travaillée. Si cette attention à l’esthétique est notable, elle est aussi un problème difficile à contourner pour un récit qui prétend s’appuyer sur de réels témoignages filmés, et aurait plutôt tendance à gêner la suspension d’incrédulité du spectateur. Certains choix de montage s’apparentent à une mise en scène de fiction plutôt qu’à un documentaire. Quant à la psychologie des personnages, elle est parfois incohérente, particulièrement en ce qui concerne l’équipe de tournage qui filme coûte que coûte des situations dans lesquelles elle ferait mieux de tout laisser tomber et de courir. Enfin, la musique est utilisée pour appuyer la narration et principalement extra-diégétique. Le film hésite ainsi tout le temps entre prétendu documentaire et fiction, à l’image du titre du documentaire qui apparaît en premier – « La Lignée Chamane » – supplanté quelques minutes après par le titre du film : « The Medium ».
Ce dispositif du found footage est ce qui contraint le plus la mise en scène car Banjong utilise des recettes vues et revues, des entrées de champ soudaines, des détails que l’on découvre en revoyant les prises enregistrées, des tournages dans l’obscurité où seule la lumière des caméras permet de distinguer un espace restreint. Ce n’est donc pas là que réside l’intérêt ou l’originalité du film. Ce qui fait tenir les longues 2h10, c’est le temps employé à faire croître la tension de l’histoire jusqu’à un final suffoquant, ce sont les différentes pistes que nous donnent le film pour mieux nous dérouter, c’est l’ambiance humide et poisseuse du paysage, ce sont les personnages qui s’entrechoquent, en conflit larvé puis ouvert, portés par des performances d’actrices tantôt touchantes tantôt troublantes. C’est aussi l’incertitude constante de l’existence du paranormal. Les scènes auxquelles on assiste sont-elles le fait d’événements surnaturels ou la cause d’une maladie psychique, d’une folie collective, ou encore d’une paranoïa liée à des croyances qui se sont transmises ?
La Thaïlande est un pays où la croyance est extrêmement présente. La très large majorité de citoyens pratiquent une forme de bouddhisme tolérant les minorités religieuses. Le chamanisme que pratique Nim croit en l’existence d’un esprit en toute chose, des lieux comme du moindre animal. Ainsi, chaque offense qui est faite à un être ou à un lieu peut être la source d’une malédiction. Un homme boit de l’alcool dans lequel il a plongé un serpent et le voilà privé de la sensation de ses bras et jambes. La mère de Mink vend sous le manteau de la viande de chien ; sa fille se conduit ensuite comme un animal sauvage. Plusieurs éléments se répondent ainsi, tissant une apparente cohérence entre les événements liés à cette malédiction qui contamine chaque génération. Mais tout au long du film, les croyances sont présentées comme décevantes. Mink déclare qu’elle ne croit pas au chamanisme, sa mère s’est convertie au christianisme mais est prête à se tourner vers toute religion qui la sauvera, un chaman parle des cérémonies qu’il organise comme d’un moyen de gagner sa vie, la vocation de chaman de Nim a été forcée et douloureuse. Quant à la dernière réplique du film, elle est d’un nihilisme sans appel.
Un peu long, déjà vu sur ses aspects techniques et esthétiques, THE MEDIUM parvient néanmoins par son pessimisme total à instaurer le malaise plus efficacement que par ses scènes choc.