Shin Ultraman

Nouvel opus du duo Hideaki Anno et Shinji Higuchi après Shin Godzilla, Shin Ultraman est l’adaptation d’une série des années 60 autour d’un super-héros très populaire au Japon.

Alors qu’une multitude de kaijus cause des destructions colossales au Japon, un être géant venu du ciel apparaît soudainement pour les combattre. Il s’agit d’Ultraman, un extraterrestre bienveillant qui désire porter secours à l’humanité. Lorsqu’un autre être extraterrestre du nom de Zarab débarque et sème le doute sur les intentions d’Ultraman.

Très généreux dans sa facture, Shin Ultraman multiplie les angles de prises de vue, adopte un montage effréné et hyper dynamique, des images étirées par l’utilisation du grand angle. À l’image d’un film d’animation, la diversité des cadres et les choix esthétiques un peu déstabilisant met en évidence l’intention des deux auteurs d’amplifier les capacités de l’image pour en faire un objet malléable, modulable, en mouvement.

Une idée traverse justement le film, celle de la matière et de la densité des êtres. Les monstres se succèdent les uns aux autres. Chacun est plus perfectionné, plus difficile à combattre que le précédent, suivant la pensée que l’évolution s’adapte aux nécessités du vivant pour perdurer. Ainsi, l’un peut se rendre invisible, l’autre a opportunément une énorme vis à la place de la tête, lui permettant de creuser jusqu’à une centrale nucléaire.

L’un des antagonistes d’Ultraman se révèle être un corps apparemment en volume vu de face, mais creux lorsqu’il se tourne. Enfin, le dernier « méchant », Zetton, est une machine monumentale à l’aspect diabolique et dont la forme évolue pour détruire.

Une blague récurrente met en scène l’héroïne Hiroko s’encourageant par une tape sur ses propres fesses à chaque fois qu’elle doit partir en mission. On peut voir ce geste comme l’acte féministe d’une femme qui endosse une habitude sexiste de certains hommes. On peut y voir aussi une autre observation de l’incarnation de la matière humaine, puisque Hiroko se saisit ainsi de la partie la plus charnelle de son corps.

Il est question d’incarnation dans le film. Le héros Ultraman, sorte de divinité, évoque le personnage omnipotent du Dr Manhattan dans le Watchmen d’Alan Moore. Profitant de la mort d’un homme, il emprunte le corps de ce dernier pour se fondre dans la foule des humains. Voilà le héros extraterrestre faisant littéralement corps avec l’humanité, plongé dans la lecture de Levi-Strauss pour comprendre ce qui peut bien faire notre singularité.

Cette question d’incarnation est finalement centrale. Ultraman doit choisir entre son super-pouvoir et cette humanité à laquelle il a accédé. Sous sa véritable forme, il est affecté par les attaques de ses adversaires, et il apprend à ressentir comme les humains. Le film devient alors une sorte d’utopie : l’humanité aurait-elle encore cette capacité à émerveiller un être venu d’ailleurs ? Pour Hideaki Anno et Shinji Higuchi, c’est le cas. Les deux auteurs injectent une dose d’optimisme qui détonne dans le paysage artistique et socio-politique global, parmi les propositions cinématographiques au ton bien plus anxieux des films du genre.

Sans doute quelques habitués du personnage trouveront à redire sur les propositions du film. Celui-ci rejoint les mêmes thématiques que Shin Godzilla, sa critique de l’enlisement bureaucratique des institutions, et la place de vassal du Japon face aux Etats-Unis. Malgré tout, la curiosité et l’intérêt qu’Ultraman porte à l’humanité peut réjouir puisqu’en se détachant de ses homologues super-héroïques il ne se place finalement pas au-dessus mais bien parmi les Hommes qu’il était venu secourir.