Du rouge pour un truand – Pamela Sue Martin femme fatale
Les tribulations du gangster John Dillinger ont eu droit à plusieurs adaptations au cinéma. Johnny Depp lui-même a prêté son visage à l’occasion de Public Enemies en 2009. Si Michael Mann en avait fait son héros, le bandit est au mieux un figurant dans Du rouge pour un truand. En effet, celui qui était alors l’ennemi public numéro un s’éclipse au profit de la prostituée chez laquelle il se cachait. Polly est restée aux côtés de John Dillinger jusqu’à sa fin tragique lorsque le FBI l’abattit froidement à la sortie d’une salle de cinéma diffusant… L’Ennemi public avec James Cagney.
Dans le film de Lewis Teague, ce triste événement entré dans la culture populaire n’intervient qu’à l’heure de métrage du film de Lewis Teague. Pour Polly, il ne s’agit que de l’une des nombreuses péripéties de son existence. L’exécution perpétrée par le FBI annonce néanmoins une dernière partie durant laquelle Polly prend du poil de la bête et devient elle-même cheffe de gang. Du rouge pour un truand démontre ainsi qu’il est avant tout une fiction, servant judicieusement un sujet qui n’a finalement pas grand-chose à voir avec le personnage de John Dillinger…
Égalité Femmes-Hommes
Polly travaille à la ferme avec son père, un prédicateur obnubilé par la Bible, et en particulier le rôle de soumission qu’elle attribue aux femmes. Un jour que la jeune fille part en ville vendre les oeufs ramassés au poulailler, Polly se retrouve successivement : prise en otage lors d’un braquage de banque, abusée par un journaliste mal intentionné, et finalement violemment corrigée au ceinturon par un père intransigeant sur l’heure de retour, quelles que soient les raisons du retard. La coupe est pleine. Polly décide de quitter sa campagne profonde pour découvrir le monde, et plus précisément la ville des vents : Chicago.
Là, à son grand dam, même au coeur de la civilisation, Polly demeurera exploitée.
D’abord par le gérant tordu d’une usine de textile. Le job fait partie des pires de ceux qui étaient réservés aux femmes à l’époque. Les cadences folles, le salaire minable, mais surtout un patron qui lui promet monts et merveilles du moment qu’elle sait se montrer gentille, tous ces éléments l’amènent à prendre la décision de quitter ce boulot, non sans avoir déclenché une révolte salariale au préalable… Fan de danse, Polly se retrouve dans un cabaret. Mais les hommes ne sont pas du genre à se contenter d’un slow… La jeune femme décide alors d’arrêter de tourner autour du pot et se fait engager dans une maison close. Ses mésaventures ne sont pas finies pour autant et la prison n’est pas loin.
Pour livrer un message social évident, le film s’appuie sur l’évolution insolite du personnage de Polly. Mais, surtout, du Rouge pour un truand démontre qu’une femme peut aussi devenir le chef d’un gang, portant ainsi haut et fort un discours féministe.
Pamela Sue Martin en haut de l’affiche
Derrière l’éblouissante Polly se trouve la non moins formidable Pamela Sue Martin. Remarquée aux côtés de Gene Hackman et d’Ernest Borgnine dans L’Aventure du Poséidon (1972), l’actrice fera finalement carrière à la télévision, devenant un personnage récurrent de la série Dynastie aux côtés de la très méchante Joan Collins. Ici, l’actrice incarne une jeune femme naïve, toujours reconnaissante de la chance qu’on lui donne. À première vue, il n’y a aucune raison qu’elle le soit. Pourtant, c’est en se relevant de toutes ces embûches qu’elle peut prétendre à évoluer. Ainsi, Polly se distingue de ces femmes qui, en quête de sécurité, se laissent mettre sous cloche. Dès lors, elle incarne avec fougue et passion une femme émancipée, symbole d’indépendance.
Aux côtés de l’actrice se succèdent de nombreux seconds couteaux aux visages plus ou moins connus. De Christopher Lloyd (Dr. Emmett Brown de Retour vers le futur) à Robert Conrad (Pappy Boyington des Têtes brûlées), en passant par Louise Fletcher (la cruelle infirmière de Vol au-dessus d’un nid de coucou), etc. etc. etc.
Grâce à son casting épatant, le film donne corps à des protagonistes nombreux et particulièrement bien dessinés, intéressants et attachants. L’attention et le suspens sont ainsi largement captés et assurés tout au long du métrage.
Une production Roger Corman et ça se voit
Le film fonctionne sur un rythme soutenu, à l’image de sa bande-son, dont est responsable James Horner qui gagnera un Oscar bien plus tard pour Titanic. Ainsi, c’est le Swing qui donne le tempo, une musique entraînante et réconfortante, caractéristique de ces USA touchés par le Krach de 1929 et qui retrouvent dans les années 30 combativité et optimisme au sein d’une société désireuse de retrousser ses manches.
Souvent, le métrage se montre cruel, n’hésitant pas à maltraiter ses héros en les envoyant en prison ou pire. La cheffe des matons de la prison dans laquelle est incarcérée Polly aura d’ailleurs droit à un sort particulièrement saisissant. Ainsi, le film n’évite jamais la violence et les impacts de balle sur les corps sont sanglants. En outre, étant donné que, pour les femmes, survivre passe couramment par la case prostitution, le film se déroule dans les maisons closes de l’époque où les femmes dénudées s’offrent au regard des clients.
Dans la longue carrière de Roger Corman, Du rouge pour un truand se situe au cœur de l’apogée de sa société de production New World Pictures. Pourtant, la petite série B n’a pas rencontré le succès. Malgré tout, le film du futur réalisateur de L’Incroyable Alligator (1980), Cujo (1983) et du Le Diamant du Nil (1985), est une jolie réussite parvenant à plaisamment conjuguer divertissement et message social.