Sueurs Froides en version papier

Au sommaire du numéro 37 : Dossier Val Lewton, Nancy Drew, Biographie de Ulli Lommel, la saga Flower and Snake, la franchise Leprechaun, entretien avec Patrice Herr Sang, Entretien avec Marian Dora.
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Liechtenstein - 1969 - Jess Franco
Titres alternatifs : Die jungfrau und die Peitsche, Eugenie: The Story of her Journey into Perversion
Interprètes : Maria Rohm, Marie Liljedahl, Jack Taylor, Christopher Lee, Paul Muller

Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Eugénie de Sade

Eugénie est invitée a passer le week-end sur une île isolée, en compagnie de Madame St Ange et du beau-frère (et amant) de cette dernière, Mirvel. Là, son innocence est patiemment anéantie tandis que le sadique et satanique Dolmance (Christopher Lee) préside à de cruels rituels.
EUGENIE DE SADE fut tourné à la fin des années 70, alors que les œuvres du Marquis de Sade recevaient une certaine attention par le biais de productions érotiques souvent assez prétentieuses et intellectuelles tels DE SADE (de Cy Enfield et Roger Corman), PHILOSOPHY IN THE BOUDOIR, JUSTINE et l’un ou l’autres pornos souvent fort peu fidèles aux écrits du grand libertin. Franco, en bon cinéaste d’exploitation, sut saisir la mode au bon moment et livra successivement une JUSTINE et deux EUGENIE. Produit par le redoutable Harry Allan Towers, cette adaptation fort libre des œuvres de Sade demeure pourtant un spectacle assez agréable à suivre. Le métrage possède tout d’abord un petit côté fantastique intéressant, la frontière entre le rêve, les fantasmes et la réalité demeurant souvent assez floue, jusqu’à une conclusion assez étrange, à la fois ouverte et cyclique qui permet de boucler le récit en le ramenant à son point de départ. Pas spécialement original, le procédé peut toutefois, comme ici, se montrer efficace (au contraire de L’AVION DE L’APOCALYPSE, pour les connaisseurs!) même si la fin n’a guère de sens.
Au niveau du budget, le cinéaste s’est bien débrouillé, situant l’intrigue sur une petite île isolée mais paradisiaque, soignant ainsi la beauté formelle de ses paysages par une photographie efficace. Classique mais toujours agréable à l’œil.
L’atmosphère, elle, est bien rendue, avec une certaine classe décadente bien illustrée par de nombreuses citations empruntées (?) à De Sade lui-même. Le film parvient ainsi à aller au-delà de son statut érotique en privilégiant une certaine philosophie, même si celle-ci n’est évidemment pas fort poussée. L’intrigue se resserre donc largement autour des deux personnages féminins principaux, en une relation qui va de la fascination à l’amour puis à la haine. Christopher Lee, dans un second rôle, apporte au métrage sa distinction coutumière et élève l’entreprise même si il fut, parait-il, surpris voire fâché de se retrouver au générique d’un film “sexy”. Il retravailla pourtant plusieurs fois avec Franco par la suite, mais dans des films d’horreur comme LE TRONE DE FEU ou LES NUITS DE DRACULA.
EUGENIE est donc un petit métrage intéressant mais malheureusement handicapé par une série de faiblesses. La mise en scène de Jésus Franco, assez traditionnelle, vire un peu au n’importe quoi lors des séquences d’hallucination, un effet sans doute voulu mais rapidement lassant. De même, l’aspect érotique, si il n’est pas prédominant, n’en est pas moins frustrant: les séquences sado-maso versent dans le grand-guignol et ne possèdent aucun potentiel. L’ensemble est d’ailleurs désespérément soft et, en dépit des contraintes de la censure, on se dit que Franco aurait pu se montrer un peu plus vigoureux et mordant, même en restant dans le domaine de la suggestion. Davantage de sexe et même d’horreurs eut sans doute donner un peu plus de tonus à cette production trop frileuse.
Quant à la faible durée (80 minutes), elle permet, certes, un rythme plus soutenu que de coutume (malgré une certaine lenteur) mais empêche Franco de nous faire ressentir ce supposé “voyage au cœur de la perversion”: toute la partie initiation et corruption de l’innocence est bien trop vite expédiée pour convaincre et Marie Liljedahl n’a pas les épaules suffisamment solides pour porter complètement son interprétation d’Eugénie. En contrepartie, la jeune actrice, effectivement belle et apparemment candide et innocente, se montre peu avare de ses charmes. C’est déjà ça!
Deux mots sur la musique, groovy et très typée seventies, de Bruno Nicolai, qui n’est pas vraiment adaptée aux propos, assez sombre, de cette EUGENIE. Pourtant, les thèmes mélodiques choisis bercent efficacement les oreilles et participent à l’impression plutôt positive qui ressort de ce film.
EUGENIE constitue une sympathique petite réussite de la part de Jésus Franco. Ce n’est certainement ni un chef d’œuvre ni même le meilleur film du cinéaste mais, dans sa pléthorique filmographie, il n’a pas à rougir de cette EUGENIE. Les admirateurs de Franco y retrouveront la plupart de ses qualités (une belle photo, de belles actrices, une certaine volonté d’élever le propos ou de tendre vers un onirisme efficace) et ses défauts coutumiers (une impression de bâclage et d’inabouti, un script parfois un peu confus et, surtout, un rythme déficient).
Certains spectateurs risquent de s’ennuyer à la vision de cette EUGENIE mais les curieux, intéressés par Franco, par le Marquis de Sade ou même, de manière plus générale, par la sexploitation européenne de cette époque, peuvent y jeter un coup d’œil relativement confiant. L’ensemble n’est pas désagréable et fonctionne relativement bien. Sympa, sans plus ni moins, donc.



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Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer

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