Goliath (2023) – Thriller poétique
Goliath, Le dernier film d’Adilkhan Yerzhanov nous embarque dans un western crépusculaire à sa sauce et bien sûr, dans son Kazakhstan natal.
Dans un petit village Kazakh, le chef criminel Poshaev règne sans partage. La police, ainsi qu’un groupe industriel d’occident, sont à sa botte, soumis à ses rackets. Alors, quand la femme d’Arzu tente de dénoncer ses agissements, Poshaev l’abat froidement sous les yeux de sa famille. Il décide alors de prendre Arzu sous son aile dans le but de le convaincre de renoncer à toute vengeance. Blessé durant la guerre, sans moyen de subvenir aux besoins de sa petite fille, Arzu n’a d’autres choix que de se soumettre à ce chef de gang charismatique.
Dans une atmosphère poussiéreuse, le réalisateur de A Dark Dark Man et de La Tendre Indifférence du monde, adopte les codes du western crépusculaire à sa manière pour Goliath. On y retrouve les paysages kazakhs à la beauté stupéfiante, qui valent bien ceux des États-Unis, mais aussi une pauvreté omniprésente, des gens subsistant comme ils peuvent, la corruption à tous les étages et des personnages au visage buriné par l’adversité.
L’univers poétique de Yerzhanov
Rabiya Abish, qui incarne Arzu, a le visage marqué par les coups qu’il reçoit, le crâne couvert de cicatrices, un boitement caractéristique et les yeux posés constamment sur le bout de ses chaussures. Taiseux, bégayant le peu de fois qu’il parle, on le voit baladé par les différentes forces en présence, que ce soit par son frère qui maladroitement tente de l’aider, par le chef mafieux ou par le chef de la police. Personnage attachant dans ses silences, on comprend surtout qu’il ne sait pas exprimer ses émotions et encore moins comment se débattre. Son évolution dans le film est d’ailleurs pour le moins originale.
Pour Goliath, Adilkhan Yerzhanov s’attache à filmer des personnages invisibles, écrasés, souvent égratignés par la vie et, plus souvent encore, en situation de handicap : dans A Dark Dark Man c’était un homme porteur de retard mental qui se voyait utilisé par la police corrompue. Ayant ses acteurs fétiches, on retrouve ici le très charismatique Daniyar Alshinov qui cette fois-ci occupe le rôle du chef de gang. Fonctionnant littéralement comme un mafieux, il joue autant les tyrans que les protecteurs, essayant de se montrer proche tout en restant cruel vis-à -vis des gens du village. Cruauté que subira le protagoniste.
Un western aux accents de polar désertique
Les personnages féminins sont rares dans Goliath, peu présents à l’image, et pourtant, elles incarnent d’une certaine manière la résilience. La femme d’Arzu est la seule à résister, la seule à croire encore en une justice possible. La petite fille quant à elle incarne l’espoir. On comprend assez vite que c’est pour elle que le protagoniste se laisse faire, mais aussi qu’il se débat, quand d’autres autour de lui sont écrasés, tués, balayés par la violence de cet univers.
Enfin, il faut souligner la qualité de l’image composée par Aydar Sharipov, qui est sublimée par des paysages magnifiques, de la poussière qui vole et drape le film d’un léger voile. Dans ce désert, les gens, les vivants qui se débattent pour survivre sont les touches de couleur, ce qui approfondit le message du film. Autre qualité, les compositions musicales de Galymzhan Moldanazar, qui avait déjà signé la bande originale de A Dark Dark Man,ajoutent à l’atmosphère poétique.