Veerana de Shyam et Tulsi Ramsay (1988)
Les frères Ramsay, à la longue carrière dans le cinéma de genre indien, proposent avec Veerana une relecture féministe du mythe du vampire.
Thakur Mahendra Pratap est le riche propriétaire d’une scierie. Seulement, la forêt qu’il exploite abrite une secte satanique. Celle-ci kidnappe des hommes passant par là et les offre en sacrifice à une vampiresse. Sameer, le frère de Thakur, se décide à traquer la sorcière. Il l’attrape et la brûle devant une horde de villageois en colère. Agacés de perdre leur monstresse, les satanistes décident de se venger. Pour ce faire, ils attirent Jasmine, la fille de Thakur, dans un piège. Ils parviennent également à tuer Sameer. La petite est alors possédée par l’esprit de la vampiresse.
La figure classique du vampire au féminin
En grandissant, les crises s’accentuent et Jasmine s’en prend à des inconnus qu’elle attire à elle. Son père préfère regarder ailleurs, n’arrivant pas à condamner sa fille chérie. Pourtant, quand sa nièce, Sahila, revient à la maison, la bizarrerie de Jasmine ne laisse plus de doute sur le fait que cette dernière soit possédée et dangereuse pour ses proches. Heureusement, la jeune femme n’est pas seule. Aidée par son ami cinéphile surnommé Hitchcock et par Hermant, un beau garçon rencontré sur la route, elle va tout faire pour aider sa cousine à lutter contre la secte et la vampiresse.
Les frères Shyam et Tulsi Ramsay ont co-réalisé ce long-métrage. Ils n’en sont pas à leur premier film de genre, inspirés en partie des légendes et du cinéma occidental. Bandh Darwaza, sorti en 1990, revisitait le mythe de Dracula. Mahakaal, qu’ils ont co-réalisé en 1994, s’inspirait très largement de Freddy les griffes de la nuit. Pour Veerana, ils arrivent à mêler la figure du vampire tel que Mario Bava l’avait mis en scène dans le Masque du Démon et la mythologie indienne. Ainsi les divinités indiennes protègent nos héros de la secte et de la monstresse que celle-ci nourrit.
Revisité à la sauce Ramsay
Malgré ses deux heures, le film est assez rythmé et le spectateur ne voit pas le temps passer. Les scènes d’action s’enchaînent, les apparitions de la sorcière donnent lieu à des maquillages et à des effets spéciaux dignes de Evil Dead, 5 ans après la sortie du film de Sam Raimi. Pour autant, les yeux globuleux rouges de la sorcière vampire font penser à ceux des monstres asiatiques. La figure du démon que vénère la secte n’est pas sans rappeler l’image du Satan occidental, mais présente quelques caractéristiques plus typiques d’Inde, comme les pierres précieuses dans ses yeux, la posture de ses mains ou encore les traits de son visage. Mariage des univers et des imaginaires, Veerana s’avère être un film divertissant et parfaitement accessible pour le public occidental comme asiatique.
La musique accompagnant les scènes est souvent uniquement instrumentale, idéale pour nous mettre dans l’ambiance et accompagner le caractère gothique et baroque du film qui est souligné par des couleurs flamboyantes. Cependant, il y a quelques passages chantés et dansés. Ces séquences semblent à part, la réalisation adoptée étant alors plus proche du clip, avec quelques allusions aux clips américains, comme lorsque Jasmine se roule dans l’eau de la mer. Généralement il s’y trouve une petite pointe d’humour, comme si les cinéastes avaient conscience de piocher dans l’imaginaire collectif occidental.
Un film drôle et dynamique
L’humour est assez présent dans Veerana, tranchant avec le côté gothique affirmé. Le personnage de Hitchcock, incarné par Satish Shah, passe son temps à se vanter, ne ratant pas une occasion de clamer qu’il est le maître des films d’horreur. Ainsi, il participe à créer de la comédie au sein du drame familial fantastique. Il n’est cependant pas le seul. Le domestique ayant une dent contre les chats donne également de sa personne avec un humour presque burlesque, tout en gestes et en grimaces.
L’ensemble du casting est assez impressionnant même si on peut regretter que la jeune actrice incarnant Jasmine ne ressemble guère à celle qui la joue à l’âge adulte. Non seulement leurs traits n’ont rien en commun, mais leur couleur de peau est très différente. On s’étonnera d’ailleurs à de ce que Jasmine soit aussi blanche de peau. Néanmoins, le talent des comédiennes incarnant les deux sœurs, tout autant que celle jouant la vampiresse, est indéniable. On peut également saluer le talent de Rajesh Vivek qui campe le rôle du chef de la secte et dont les grimaces baignent le film d’une atmosphère particulière.