La croisière du Navigator (1924) – la complexité des relations
Après Sherlock junior qui n’a pas convaincu les critiques, Buster Keaton planche sur un nouveau film, La croisière du Navigator. Il veut absolument obtenir un succès et travaille très dur dans ce but. L’acteur propose un récit d’aventure et poétique centré sur les relations humaines. Ce long métrage est l’un de ses plus gros succès commerciaux.
La difficulté des relations
Au travers de cette histoire de naufragés, Buster Keaton explore les relations entre hommes et femmes. Rollo Treadway est un jeune homme riche épris de sa voisine Patsy. Cette dernière rejette sa demande en mariage, et plutôt que de l’accepter, il réagit de manière enfantine en choisissant de fuir.
Lorsque les deux protagonistes se retrouvent prisonniers du Navigator, la situation ne s’améliore pas. Ils n’arrivent pas à communiquer. Le réalisateur illustre ce point en les montrant errant dans des directions différentes sur le pont, sans jamais se rencontrer.
Quand finalement, ils tombent littéralement l’un sur L’autre, le jeune homme y voit une preuve d’amour et demande à nouveau la main de Patsy. Celle-ci, morte de peur, refuse une fois de plus ses avances. L’homme n’entend pas les désirs de la jeune femme, seules ses envies comptent.
Pour Keaton, vivre ensemble est une aventure, une croisière mouvementée. Il s’agit d’apprendre à comprendre l’autre et à agir en équipe. Les péripéties auxquelles les protagonistes sont confrontés, comme essayer d’appeler à l’aide ou échapper à une tribu de cannibales, permettent d’illustrer la complexité des relations.
Faire confiance et s’appuyer sur l’autre pour survivre est la plus grande des aventures. À travers cette grande métaphore, Keaton se révèle une fois de plus comme un poète et un rêveur. Il maîtrise parfaitement les techniques cinématographiques pour raconter son récit. Ses cascades impressionnantes contribuent à la tendresse qui se dégage de La Croisière du Navigator.
Affronter la réalité
Tout comme dans Sherlock junior, Buster Keaton propose une critique sociale. Il montre la classe aisée comme déconnectée de la réalité et de surcroît oisive. Les riches se présentent comme importants alors qu’ils ne font rien de leur journée et laissent leurs domestiques accomplir pour eux des tâches absurdes. Rollo est même complètement ridiculisé lorsque le spectateur le voit utiliser un véhicule avec chauffeur pour simplement traverser la rue. Il est incapable de se débrouiller seul pour partir en voyage et se trompe de bateau.
Lorsque les deux naufragés découvrent leur situation, ils continuent de se donner de grands airs, mais une fois confrontés à leur incapacité d’agir, ils éprouvent pour la première fois de la honte. Lors d’une scène de cuisine, Rollo et Patsy tentent de cacher l’un à l’autre le fait qu’ils ne savent pas cuisiner. Keaton choisit de ridiculiser ses protagonistes en utilisant du comique visuel et physique pour accentuer leurs bêtises.
Les difficultés et l’expérience permettent aux personnages d’évoluer et de comprendre le monde dans lequel ils évoluent. Pour vivre ensemble et améliorer les choses, les classes aisées doivent découvrir la vie des classes inférieures pour les comprendre et les respecter. Tout le monde est ainsi sur le même bateau.