Le Miroir Obscène
Deux sœurs vivent ensemble, en osmose totale, chez leur géniteur. Un jeune homme, voulant travailler avec le père, va devenir l’élément perturbateur, en tombant amoureux de l’une d’elles. Cet amour réciproque va hélas créer un schisme entre les deux demoiselles si exclusives l’une envers l’autre jusque là. Le jour de leur mariage, la jeune femme délaissée se suicide en s’enfonçant une lame dans le ventre. Brisée, la survivante abandonne la maison familiale en même temps qu’elle quitte son fiancé, mais semble hantée par le souvenir de sa sœur, qui, par-delà la mort, étend son ombre possessive sur elle à travers le miroir de sa chambre, qui le suit où qu’elle aille.
Jess Franco fut un réalisateur extrêmement productif ! Restant dans le domaine du bis jusqu’à sa mort, il livra des films dans de nombreux genres, avec plus ou moins de succès. Il a ainsi réalisé nombre de comédies érotiques, comme CELESTINE… BONNE A TOUT FAIRE, du thriller sadique inspiré du Marquis de Sade, comme LES INASSOUVIES, de l’anticipation féministe kitsch, ou encore des films policiers. Sa rencontre avec Lina Romay, avec qui il se maria, lui offrit une muse autant qu’une épouse et elle devint rapidement l’emblème du cinéma de son mari.
LE MIROIR OBSCENE est intéressant, mais possède hélas de nombreuses longueurs. En effet, le scénario aurait mérité d’être adapté en moyen-métrage, et Jess Franco, pour le faire tenir la durée réglementaire, n’a pas d’autre choix que d’étirer son histoire. Il y adjoint ainsi de nombreux intermèdes musicaux. L’héroïne étant une musicienne, le réalisateur penche longuement sa caméra sur ses concerts dans les bars, ou encore sur les soirées chez elle, ou d’autres séquences du même genre. La caméra colle aux gens qui dansent, essayant d’insuffler de la sensualité à ce qui se déroule devant le spectateur. Mais la musique et les décors, très ancrés dans les années soixante-dix, envahissent le spectateur et l’effet est plus long et kitsch que fascinant. Soyons honnête, il est impossible de ne pas ressentir, par moment, un certain ennui mais le côté désuet de certains moments se révèle des plus amusant.
A cela s’ajoute un jeu d’acteur quelque peu aléatoire, comme souvent chez Jess Franco, et des problèmes de raccords. Comment ne pas sourire, en effet, quand notre héroïne va au restaurant en compagnie de son amant, et que le spectateur découvre que la voiture a changé de couleur entre l’aller et le retour.
Pourtant, Lina Romay, inoubliable dans ce métrage, le transcende pour le rendre intéressant. Bien que mourant au début du MIROIR OBSCENE, elle le hante de ses visions étranges, tout en onirisme et en saphisme moite et fascinant. Ces séquences, superbes, plongent le spectateur dans une étrangeté pleine de sensualité, et le conduisent, lentement mais sûrement, vers une fin des plus réussies, prouvant le côté rêve éveillé du film.
Ainsi, LE MIROIR OBSCENE est certes imparfait, mais des plus fréquentable, grâce à la muse de Jess Franco, magnifique dans ce film, et au réalisateur, qui sait doser l’onirisme. Ainsi, Lina Romay hante tout autant le métrage que l’esprit du spectateur.