Le Monstre marche, nanar en péril
Le Monstre marche est un film appartenant au genre Old Dark House, très prisé dans les années 30. Cela signifie que la majeure partie de l’histoire se déroule dans une vieille bâtisse, durant une nuit, pendant que l’orage gronde dehors.
Cela n’empêche pas la réalisation d’être extrêmement basique puisque le film a été produit par un studio indépendant, la Commonwealth Pictures.
Aussi accessoire soit-il, Le Monstre marche propose néanmoins un casting qui n’a rien d’anecdotique. Mischa Auer a, par exemple, été nominé aux Oscars dans la catégorie second rôle pour sa prestation dans la comédie romantique Godfrey signée Gregory La Cava en 1936. Willie Best, le fameux Exodus dont on parlera plus tard, s’est illustré dans sa carrière auprès des meilleurs comiques de l’époque, des Marx Brothers à Laurel et Hardy… Il a même côtoyé Shirley Temple à trois occasions.
Récit des événements
Le Dr. Earlton, scientifique de renom, vient de décéder.
Son cadavre n’est même pas froid que les prétendants à l’héritage sont déjà présents dans son sinistre manoir afin d’assister à la lecture du testament.
Surprise : C’est Ruth, la fille du défunt, qui gagne le pactole !
Les domestiques Emma et Hanns, aussi lugubres que le manoir, n’ont droit qu’à une misérable solde. À leur tête, on comprend vite qu’ils sont loin d’être ravis. Quant à Robert, le frère paralysé du Dr Earlton, il a le droit de rester dans le manoir jusqu’à la fin de ses jours. Il semble se satisfaire de l’assurance de ne pas se retrouver à la rue mais, le spectateur malin n’est pas dupe et voit bien qu’il est trop affable pour être honnête…
Bien sûr, s’il devait arriver quelque chose à Ruth, les cartes devraient être rebattues…
Or, justement, la nuit même, les événements se précipitent… Ruth est agressée par une créature poilue ! Elle présume un singe… Ne prenez pas à la légère cette intuition. En effet, son père le Dr Earlton, avait l’habitude, de son vivant, d’expérimenter sur les primates.
Or, un chimpanzé est effectivement installé à la cave… Sauf qu’il est captif dans une cage aux barreaux bien solides.
Pour l’avocat du Dr Earlton, tout comme pour le fiancé de Ruth, il ne fait aucun doute que c’est bien un être humain qui est l’auteur de l’agression de la jeune femme… Mais qui cela pourrait-il bien être ?
Un suspense insoutenable
Si la réponse à cette question vous torture au point de vous empêcher de dormir la nuit, vous trouverez ci-dessous un lien qui vous permettra de voir The Monster Walks. Le final apaisera votre curiosité. Cela dit, l’identité du coupable est quand même plutôt évidente…
Quoi qu’il en soit, les petits malins qui ont déjà compris qui était le malotru ayant l’outrecuidance d’organiser le décès d’une personne dans le seul but de récupérer l’héritage de son frère (oh punaise !)… du Dr Earlton, ne devrait pas pour autant se sentir exempté du visionnage du film.
D’abord, parce que la fin réserve une petite subtilité…
Ensuite, et même si Le Monstre marche ne fait clairement pas partie de l’élite du genre, le film de Frank R. Strayer reste malgré tout plutôt sympathique.
L’un des éléments en faveur du film est sa durée, même pas une heure.
C’est sûr, même une heure peut paraître longue… En particulier lorsque l’on sait que le film ne réserve aucune surprise et que son rythme se traîne tant bien que mal.
Cependant, tous les éléments spécifiques au genre sont présents : les décors avec les grandes cheminées, les oiseaux empaillés, les candélabres, les escaliers en bois, les vieilles horloges, le grondement du tonnerre, le noir et blanc, les personnages guindés, les sous-entendus cachant grossièrement des pensées malhonnêtes inavouables, des regards en coin lourds de sous-entendus…
Du rire aux larmes
On trouve aussi cet humour effarant, tout aussi caractéristique du genre. Il est ici régulièrement introduit par Exodus, un personnage un peu simplet… Exemple de dialogue entre Hanns et Exodus :
– “Viens avec moi, je vais te montrer où tu vas dormir, dit Hanns
– Où est le cadavre ? répond Exodus.
– Au deuxième étage.
– Dans ce cas, je vais dormir dans la cave.
– Mais c’est là que se trouve Yogi (le singe).
– Vous voulez dire cette bête à poils ? Donnez-moi alors un parapluie et je dormirai sur le toit !”
Touche pas à mes potes
Plus sérieusement, la xénophobie est malheureusement l’une des autres particularités du métrage. Le Monstre marche véhicule effectivement des stéréotypes racistes. Le comique introduit par Exodus n’est pas fin, certes, mais parfois, il s’attache à représenter les personnes à la peau noire comme idiotes, lâches et peureuses. Et le film le fait sans complexe.
Même si l’on n’est pas encore au bout de nos peines, regarder un film comme le Mort marche permet cependant de se rendre compte du chemin parcouru depuis un siècle…
Plus loin, une analyse un peu plus pointue des relations entre les personnages révèle que le mépris ne se limitait pas au racisme à l’époque… Exodus est un idiot à peine mieux loti que le chimpanzé. Hanns, le domestique, est un peu plus élevé dans la hiérarchie. Il est effectivement mieux doté en neurones, mais ils lui servent principalement à exercer son sadisme. Ruth, l’élément féminin, monte sur la marche suivante… Mais, c’est juste une belle plante que les hommes doivent entretenir. Les bourgeois masculins, justement, sont les seuls capables d’agir avec raison, bien entendu.
Le mépris ne s’arrête pas à la couleur de peau. Une bonne raison de ne pas laisser Le Monstre qui marche tomber dans l’oubli.