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Italie - 1996 - Dario Argento
Titres alternatifs : La sindrome di Stendhal, The Stendhal Syndrome
Interprètes : Asia Argento, Thomas Kretschmann, Marco Leonardi

Un texte signé Sophie Schweitzer

Le Syndrome de Stendhal (1996)

Le Syndrome de Stendhal, par son radicalisme, dénote dans la filmographie de Dario Argento. Le réalisateur d’horreur italien s’est alors déjà démarqué par son style résolument baroque et son esthétique macabre. Esthétique qu’il semble délaisser ici pour une horreur plus viscérale et psychologique.

Commençons par l’histoire. Le film nous place du point de vue d’Anna, une jeune inspectrice qui se trouve prise d’un dangereux vertige alors qu’elle est sur les traces d’un maniaque s’en prenant aux femmes aux mœurs légères. Convaincue d’être la seule à pouvoir l’attraper, elle se lance dans un dangereux jeu du chat et de la souris qui risque bien de lui être fatal.

Le Syndrome de Stendhal 02

Une mise en scène immersive

Comme souvent avec Dario Argento, la scène d’introduction est une leçon de mise en scène. Les premiers plans offrent au spectateur un sentiment de vertige avec une caméra qui tourne autour de statues, des zooms qui agrandissent la vue à travers une fenêtre, des panoramiques qui explorent chaque détail d’un tableau. Le tout est accompagné de la musique d’Ennio Morricone ainsi que d’effets sonores permettant d’épouser les sentiments éprouvés par l’héroïne. Ceux-ci étant le symptôme du fameux syndrome de Stendhal qui donne son titre au film. Son nom vient de l’auteur Stendhal qui l’a détaillé dans ses écrits, décrivant l’impression de se perdre littéralement dans un tableau, sentiment qui s’accompagne de vertiges.

Cette mise en scène immersive qui place le spectateur du point de vue du personnage est une astuce qu’emploie souvent Dario Argento. Le réalisateur italien, connu pour ses giallos (L’Oiseau au plumage de cristal, Les Frissons de l’angoisse…), mais aussi pour ses films fantastiques Suspiria et Inferno, joue souvent avec les points de vue. Dans son premier film, L’Oiseau au plumage de cristal, le héros cherche à comprendre ce qu’il a vu. Le point de vue est même central dans chacun de ses giallos. La privation d’un sens, comme dans Le Chat à neuf queues, peut avoir des conséquences dramatiques. Ce qui est un excellent moyen de plonger le spectateur dans le désarroi du personnage, en particulier quand il est face à quelque chose qu’il ne comprend pas et qui le menace.

Le Syndrome de Stendhal 03

Un thriller psychologique

Ici, l’héroïne, suite à son syndrome de Stendhal éprouvé au musée, se retrouve amnésique. Sa détresse va aller en grandissant à mesure que le film avance. Plongeant avec elle le spectateur dans cette quête de vérité sur son identité, mais aussi dans cette situation de fragilité où la mémoire vous fait défaut et où chaque tableau peut provoquer le sentiment de se perdre dedans. Ce qui en Italie, où les tableaux sont omniprésents, peut devenir très vite compliqué à vivre.

La scène aquatique de cette séquence d’introduction n’est pas sans rappeler celle de Inferno, tant dans sa mise en scène, que dans le sentiment de noyade qu’il cherche à inspirer et qui se transforme en une espèce de monde fantastique. On retrouve également au son les murmures de vieilles femmes qui évoquent les sorcières de Suspiria lorsque l’héroïne se sent acculée et menacée. Cela forme comme un univers partagé entre ces films, comme un point de ralliement pour les spectateurs qui connaissent les autres œuvres. Cela peut aussi paraître comme des tics de réalisateur.

Outre les autres films de Dario Argento, l’ombre de Sueurs froides d’Alfred Hitchcock plane sur Le Syndrome de Stendhal. Il y a bien sûr le vertige artistique dont est atteinte l’héroïne qui la handicape aux pires moments de son enquête. Par la suite, elle passe d’une coupe de cheveux brune à une perruque blonde, se transformant au fil des épreuves qu’elle traverse. L’éclairage et la composition de certains plans font penser au film noir et renvoient directement à ses codes.

Le Syndrome de Stendhal 07

Un travail d’équipe

Le défaut du film est peut-être les effets numériques de l’époque qui font immédiatement datés qui peuvent nous sortir de l’histoire. Ils tranchent d’autant plus avec l’esthétique très soignée du film tourné en pellicule et dont le grain laissé lors de la restauration ajoute à l’atmosphère noire. Pour autant, il s’agit là des tout premiers CGI du cinéma italien.

Il faut souligner le travail des acteurs, en particulier d’Asia Argento qui joue à la perfection le personnage féminin innocent et perdu au milieu des horreurs de ce monde qu’affectionne Dario Argento. Il y a souvent dans son cinéma des thématiques et des archétypes du conte de fées. Comme la princesse perdue dont l’innocence va lui être arrachée, mais aussi la méchante sorcière dans Suspiria, personnage qui porte peut-être le plus en lui cet aspect de conte de fée. Ici, dans Le Syndrome de Stendhal, le conte auquel on pense, qui n’en est pas vraiment un, c’est Alice au pays des merveilles tant l’héroïne semble sombrer en pleine fantasmagorie quand elle contemple des œuvres d’art. L’ombre du Petit Chaperon rouge plane également sur le parcours traumatique que doit subir l’héroïne. Mais ici, ce qu’il y a de perturbant c’est de voir Asia Argento, la fille du réalisateur, victime de viol.

Ceci dit, cette gêne est peut-être recherchée. Le film n’enjolive jamais les scènes de violence. Au contraire, il les fait durer, car le film est du point de vue d’une femme policière. Son enquête sur un tueur en série s’attaquant à des femmes la place elle-même dans une situation dangereuse qui, ainsi, permet de rendre le film plus percutant, plus dérangeant, car il nous place du point de vue féminin. Ainsi le spectateur a peur avec l’héroïne de cet homme qui paraît séduisant et galant au premier regard, mais qui s’avère être un prédateur dénué de scrupules ou de morale.

Le film s’attarde également à dépeindre les effets de cette enquête et du viol sur le personnage principal. Cette évolution est toujours conjointe à une mise en scène immersive et viscérale, ce qui rend l’impact de ce changement d’autant plus vivace pour le spectateur. Enfin, il nous montre une femme dans un monde d’hommes. L’héroïne se trouve sans cesse écrasée par la figure masculine, étouffée par ces corps masculins qui s’imposent à elle, qui la touchent, la manipulent. Ses diverses transformations semblent être des tentatives de s’arracher à cette masculinité qui ne cesse de l’influencer, de décider pour elle, de l’infantiliser ou de la sexualiser.

Le Syndrome de Stendhal 01

Un film familial

Le film a donc un caractère sulfureux. Le fait que Dario Argento mette en scène sa fille dans ce rôle a marqué les esprits, y compris celui des deux artistes. Mais il y a également un caractère personnel. Dario Argento a souffert, enfant, de ce syndrome. Il s’est égaré à l’Acropole, après un vertige face à la puissance des œuvres lui faisant face. C’est en découvrant un essai de Graziella Magherini sur le sujet qu’il s’est laissé convaincre d’en faire un film.

De prime abord, Dario Argento songeait à tourner aux États-Unis avec Bridget Fonda. Mais tourner à Chicago ne l’inspire pas. Il est vrai qu’il est impossible de dissocier son cinéma des villes italiennes avec leurs architectures si particulières. Même si, dans Le Syndrome de Stendhal ce sont les œuvres qui sont mises à l’honneur, au point que la ville est presque un arrière-décor. Pourtant, il tourne à Florence, Rome, en des musées qui sont inaccessibles aux caméras, offrant ainsi des plans inédits au cinéma.

Dernier point à souligner : l’aspect hautement psychologique du film. Dario Argento cite lui-même plusieurs fois Freud dans son travail préparatoire. Au fond, le film est moins une enquête qu’un thriller psychologique qui s’intéresse à l’effet de l’intrigue sur le monde intérieur de l’héroïne. D’ailleurs, la caméra de Dario Argento ne cesse d’essayer de nous plonger dans sa psyché de plus en plus dérangée, tiraillée entre les œuvres d’art qui l’aspirent et la recherche du tueur.



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Points positifs :
– L'image est de très grande qualité grâce au travail de restauration.
– Le son est également de qualité.
– Les bonus sont très nombreux et très complets, grâce notamment à la Cinémathèque qui s'est associée à cette édition.
– Le livret apporte des anecdotes supplémentaires sur l'élaboration du film.

Points négatifs :
– La version française ayant été censurée, les séquences manquantes sont en version originale, mais les sous-titres semblent manquer sur ces séquences.


Pour approfondir le sujet, nous suggérons :
Critique Les Frissons de l'Angoisse

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Article rédigé par : Sophie Schweitzer

Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà - Ses auteurs préférés - Oscar Wilde, Sheridan LeFanu, Richard Mattheson, Stephen King et Poppy Z Brite

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