Le Dernier jour de la colère (1967) – Les raisons de la colère
Véritable film culte pour Quentin Tarantino qui en utilisera la bande-son signée Riz Ortolani dans KILL BILL 2, LE DERNIER JOUR DE LA COLÈRE a été mis en boîte en 1967, au pic de la période faste du western italien, portée par le succès du classique POUR UNE POIGNEE DE DOLLARS de Sergio Leone (1964). Pour son deuxième film en tant que réalisateur (le premier étant « LANKY, L’HOMME À LA CARABINE), Tonino Valerii, l’ex-assistant-réalisateur de Leone signe ici un métrage qui respecte à la lettre le cahier des charges du genre au fil d’une dramaturgie baroque qui s’installe petit-à-petit entre les personnages de Frank Talby (Lee Van Cleef) et Scott Mary (Giuliano Gemma).
États-Unis. Dans la petite ville de Clifton en plein cœur de l’Arizona, Scott, le fils d’une prostituée, est le souffre-douleur de toute la population de la bourgade. Cantonné à des corvées de nettoyage dégradantes, le jeune homme fait, par hasard, la connaissance de Frank Talby, un pistolero à la réputation sulfureuse et à la gâchette facile. Ce dernier n’hésite d’ailleurs pas à tuer un homme pour défendre l’honneur de Scott dans un saloon… Acquitté pour légitime défense, Talby prend alors le jeune homme sous son aile afin de faire de lui un redoutable tueur. Pour ce faire, le pistolero lui apprend toutes les ficelles du métier tout en mettant en place, en parallèle, un chantage sur les notables de Clifton, autrefois coupables d’avoir organisé l’attaque d’une banque et de ne pas lui avoir payé sa part.
Scénarisé par Ernesto Gastaldi, Renzo Genta et Tonino Valerii d’après la nouvelle « Des Tod Ritt Dienstags » de Ron Barker, LE DERNIER JOUR DE LA COLÈRE réunit un casting alléchant porté par le duo Lee Van Cleef (qui vient à peine de tourner LE BON, LA BRUTE ET LE TRUAND) et le jeune Giuliano Gemma, alors en pleine ascension suite aux succès de films comme UN PISTOLET POUR RINGO, LE RETOUR DE RINGO ou ARIZONA COLT. Du côté des seconds rôles, on note aussi les « gueules » marquées d’Al Mulloch et Benito Stefanelli aux côtés de Walter Rilla, Lukas Ammann, Andrea Bosic ou bien Hans-Otto Alberty. Du beau monde !
Comme on pouvait s’y attendre, Tonino Valerii propose un western plutôt classique mais dont le scénario solide gagne en dramaturgie au fil des scènes. En effet, le réalisateur a repris à son compte tout ce qu’il a appris de Sergio Leone lorsqu’ils travaillaient ensemble. De fait, l’homme a peaufiné sa mise en scène avec en fil rouge l’évolution de la relation entre Talby et le jeune Scott. À ce titre, le binôme Lee Van Cleef / Giuliano Gemma fonctionne à merveille avec beaucoup de charisme. Selon le l’auteur et spécialiste des westerns, Curd Ridel, les deux hommes se sont bien entendus sur le tournage, et ça se sent ! Les deux comédiens campent bien leurs rôles respectifs (la sagesse brutale de Talby, la fougue de Scott) et l’ensemble est agrémenté de quelques répliques cinglantes et de beaucoup d’action.
Car d’action il en sera beaucoup question dans LE DERNIER JOUR DE LA COLÈRE. En effet, au-delà de la violence physique (le maniement du colt est monnaie courante dans Clifton depuis l’arrivée de Talby), la violence psychologique s’invite au fil du métrage à la fois dans le chantage de Talby vis-à-vis des notables de la ville mais aussi dans la relation Talby / Scott. Le mentor a naturellement pris l’ascendant sur son élève mais ce dernier n’est pas aussi dupe qu’il en a l’air…
Et même si le récit est plutôt traditionnel, le scénario est finement ciselé sous l’impulsion d’Ernesto Gastaldi. D’un point de vue technique, Tonino Valerii a pas mal appris aux côtés de Sergio Leone. Ainsi, le réalisateur apporte un soin particulier à ses plans et sait y intégrer des ambiances pesantes. De même, l’accent a été mis sur la superbe photographie d’Enzo Serafin, le tout auréolé d’un montage méticuleux du tandem Nino Baragli / Franco Fraticelli.
Au final, LE DERNIER JOUR DE LA COLÈRE s’impose comme une valeur sûre du western italien des années 1960 et presque 60 ans plus tard, le film se regarde toujours avec un plaisir non feint tant la force dramatique qui s’en dégage n’a rien perdu de sa superbe. Qui plus est, l’édition Artus de 2024 avec restauration en Full HD de la version intégrale de 112 minutes est splendide !