Voeux Sanglants (1984) – Slasher inspiré de giallo
Voeux sanglants est un slasher se réclamant du giallo ce qui lui confére une atmosphère hybride. C’est un film en avance sur son temps, à redécouvrir grâce à Extralucid Films.
Amnésique ayant perdu une bonne partie des souvenirs de son enfance, Kelly est tourmentée par un horrible cauchemar. Pour mieux comprendre, elle poursuit ses études autour de la psychologie et des rêves. En parallèle, elle souhaite entrer dans une confrérie universitaire. Durant son rite d’initiation, on lui demande de pénétrer dans le grand magasin tenu par son père pour voler l’uniforme du gardien de nuit. Malheureusement, un impitoyable tueur la poursuit jusqu’à cette nuit fatidique dans le centre commercial.
Voeux sanglants est un slasher sorti en 1984, la même année que Freddy Les Griffes de la Nuit ce qui va lui porter préjudice. Pourtant, The Initiation (son titre en version originale) est un film intéressant qui, malgré une production compliquée, reste passionnant à découvrir ou redécouvrir.
Un slasher qui assume son héritage
Durant les années 80, le slasher est à la mode. Halloween, La Nuit des masques sorti en 1978 a rendu le genre populaire, aussitôt de nombreux films lui ont emboîté le pas : Vendredi 13 en 1980, Halloween 2 en 1981, Meurtres à la Saint Valentin ou encore Massacre au camp d’été. La formule s’est affinée et ses codes se sont affirmés : un tueur caractérisé par un masque ou un visage défiguré, une arme blanche iconique, des adolescents dévergondés jetés en pâture au tueur.
Voeux sanglants remplit toutes les cases ou presque. Les adolescents sont des étudiantes d’une sororité qui doivent faire face à un tueur impitoyable et manifestement psychotique, puisqu’évadé d’un asile psychiatrique. On y retrouve tous les ingrédients déjà réunis dans le très classique, Black Christmas, l’un des premiers slashers. Ici aussi, le tueur n’est pas identifié, puisqu’on adopte son point de vue avec, originalité du film, l’utilisation d’une optique fisheye qui déforme les perspectives de l’image. L’arme figure en avant-plan ce qui crée un effet pour le moins impactant à chaque scène de meurtre.
Entre ce choix, les rêves de l’héroïne montrant un épisode traumatique liant sexualité, meurtre abject et innocence bafouée, ainsi que la quête vengeresse du tueur psychotique, sont également les ingrédients d’un giallo. Il s’agit d’un genre horrifique italien qui mettait en scène des tueurs masqués, des intrigues complexes et une esthétique du meurtre poussée, comme L’Oiseau au plumage de cristal ou Les Frissons de l’angoisse de Dario Argento. Deux films qui semblent avoir servi d’inspiration.
Ce qui se justifie car le slasher est l’héritier du giallo avec le film de psycho killer dont on retrouve également l’empreinte ici. Puisqu’ici le tueur s’avère être un dément échappé d’un asile psychiatrique dont les meurtres seraient liés à un événement traumatique ainsi qu’à une frustration sexuelle. En effet, les jeunes gens assassinés le sont très souvent pendant ou juste après une relation sexuelle. Comme la scène où un couple est menacé par un harpon, ce qui fait immédiatement penser à la scène culte du premier Vendredi 13.
Trois thématiques se dégagent du film
Enfin, Voeux sanglants a une petite touche d’originalité en se plaçant dans un centre commercial. Tous les slashers des années 80 cherchaient à se démarquer les uns des autres avec le choix du lieu (le camp de vacances, la petite ville de banlieue, la ville minière, etc…) et des meurtres impressionnants. Ici le fait de situer une bonne partie de l’action dans un centre commercial permet au tueur de multiplier les armes et d’offrir des mises à mort plutôt graphiques dans un décor qui change selon où se trouvent les victimes.
Le fait d’avoir tourné dans un centre commercial de nuit confère une atmosphère particulière qui n’est pas sans rappeler Zombie de George Romero où des survivants d’une épidémie se retranchent dans un centre commercial complètement vide. On a d’ailleurs des scènes un peu comparable où les personnages parlent à des mannequins, s’amusent à faire du roller dans les galeries vides ou encore, font un dîner dans de la belle vaisselle et de beaux vêtements glanés dans le magasin.
Ainsi Voeux sanglants semble proposer trois ambiances différentes : l’asile psychiatrique où une nurse persécute ses patients, comme dans Vol au-dessus d’un nid de coucou, ce qui donne ensuite lieu à une vengeance digne d’un thriller psychologique, le slasher dans une université où les rites de la sororité plongent dans une atmosphère païenne et mystique, et enfin, le centre commercial où le slasher continue, mais dans une atmosphère totalement différente, plus proche du survival, un autre genre horrifique.
Des personnages originaux portés par un casting étoilé
Autre originalité du film, ses personnages. L’héroïne ressemble peu ou prou à la fameuse final girl des slashers, une jeune fille un peu différente des autres, plus introvertie et souvent vierge. Mais côté personnages secondaires, on discerne les clichés habituels du slasher : la queen b, reine du lycée souvent mesquine et cruelle, la nympho, les mecs un peu idiots, insistants, voire harceleurs. Seulement, la queen b s’avère être une fille venant de milieu pauvre jalousant la richesse de l’héroïne clairement dépeinte comme une fille à papa, la nympho s’avère être quelqu’un de très sympa, le mec idiot est plus malin qu’il n’y parait, enfin, le personnage de Marcia qui tient au début du cliché de la fille effrayée révèle au milieu d’une scène où chacun se détend qu’elle a subi un viol durant son enfance. Peu de films de l’époque auraient eu l’audace d’aborder un tel sujet de manière aussi frontale.
Ainsi, on éprouve vraiment de l’empathie pour ces personnages quand ils sont à leur tour pourchassés. Ce qui rend le film d’autant plus impactant et plus fort. À cela s’ajoute le fait que ces personnages attachants sont campés par des comédiens cultes ou l’étant devenus depuis. Comme Vera Miles, icône de Psychose, qui campe le personnage de la mère de Kelly. À ses côtés, Clu Gulager qu’on a pu voir dans Le Retour des morts-vivants ou encore La Revanche de Freddy, et plus récemment dans Once Upon a Time in Hollywood, incarne le père de famille. Daphne Zuniga, dans le rôle de Kelly, a des faux airs de Jennifer Connelly dans Phenomena avec ses rêves et ses longs cheveux bruns. On a pu la voir dans Les Frères Scott, Melrose Place ou encore La Mouche 2. Quant à James Read, qui incarne le professeur de psychologie des rêves, on a pu le voir dans La Revanche d’une blonde, Sex Academy ou encore Charmed et de nombreuses séries cultes.
Ces visages célèbres donnent au film un caractère historique, en outre de ses thématiques et de son inscription dans l’histoire d’un genre ayant marqué le cinéma hollywoodien. À cela, il faut ajouter des coulisses agitées. Si cela ne se voit pas à l’image, forte heureusement, le film a connu un tournage complexe. Son premier réalisateur, Peter Crane (Assassin, Moments, mais aussi K2000, Arabesque, L’Homme qui tombe à pic) avait une approche expérimentale, avec une mise en scène ambitieuse qui coûtait trop cher à la production et provoqua un retard de tournage. Le résultat déplaisant aux producteurs, ils décident de faire appel à un second réalisateur venant lui aussi du monde de la télévision. Larry Stewart (L’Incroyable Hulk, Super Jamie, L’Île fantastique) a une mise en scène plus classique. Néanmoins, le choix de conserver les plans filmés par Peter donne un côté hybride, au film le distinguant des productions de l’époque.