À l’abordage (1952) – Le culte de l’égo
Au début des années 50, Errol Flynn claque la porte du studio Warner pour prendre son indépendance. Depuis des années, son égo et son alcoolisme le dévorent. Après une série de mauvais films, Il revient en 52 auprès du studio Universal. C’est ainsi que l’acteur, toujours apprécié par le public, se retrouve dans À l’abordage de George Sherman. Il incarne un espion britannique en mission d’infiltration au sein de l’univers des pirates.
La vie rêvée des pirates
Lorsque le spectateur pense film d’aventure, il imagine des paysages idylliques, un héros intrépide et charmeur, ainsi que des batailles épiques. Ce type de long métrage contribue à l’incarnation du célèbre rêve hollywoodien. Il offre une dose de fantasme et d’évasion sur grand écran. Le cinéma permet ainsi d’oublier souvent un quotidien difficile.
Le récit d’À l’abordage présente un décor de rêve, avec des flots bleus scintillants, des îles fleuries et luxuriantes, et des femmes magnifiques. Le film représente la vie des pirates comme une fête perpétuelle remplie de rires joyeux. Les couleurs vives renforcent à la fois l’aspect festif et la vision onirique de cet univers. Le spectateur ressent alors l’envie de vivre cette vie idéale. Le film propose une vision utopique à travers la société pirate. Chaque citoyen a la parole et les femmes occupent une place importante. Cette société égalitaire se démarque ainsi de la politique austère britannique.
Malheureusement, le passage à la haute définition n’est généralement pas tendre avec ces vieilles productions. Certains peuvent considérer cela comme un frein au visionnage. Les décors en carton pâte, les matte paintings et le maquillage très théâtral ressortent à cause du manque de grain et de la netteté de l’image. Le spectateur réalise que ce joyeux univers est factice, pourtant cette prise de conscience n’est pas décevante. Tout ceci dégage de la poésie et renforce ce rêve hollywoodien, permettant de vivre des aventures époustouflantes
À l’abordage propose également des aspects plutôt surprenants pour ce type de divertissement. Son héroïne incarnée par Maureen O’Hara défie le code de la demoiselle en détresse. Elle se positionne comme une femme forte et consciente de ses désirs face à un Errol Flynn vieillissant, rattrapé par son alcoolisme.
La fin du rêve
Maureen O’Hara souligne dans son autobiographie que le tournage a été difficile pour l’équipe. L’acteur arrive tous les jours ivre sur le plateau au point que George Sherman interdit l’alcool sur le tournage. Flynn trouve toujours une façon de faire entrer l’alcool en douce. Ces problèmes se ressentent à l’écran. L’acteur a un visage marqué et souvent rouge, lui qui avait offert des prestations énergiques et virevoltantes apparaît assez raide et fade. Le temps de Capitaine Blood est révolu.
Son personnage d’espion observe davantage l’action plutôt que de la motiver. Il se contente de réagir à ce qui se passe autour de lui. Les seules scènes qui ont un peu de panache sont celles impliquant Flynn et O’Hara. Dans la première partie du film, Hawke, l’espion, tombe sous le charme de Spitfire. Celle-ci est très différente des dames nobles que l’homme a l’habitude de courtiser. Elle ne se laisse pas dominer par les hommes, c’est elle qui décide avec qui elle veut être. Ce rapport de force entre les deux est inhabituel pour ce genre de film. On le retrouve généralement dans les comédies romantiques. Cela apporte un peu d’humour et brise la monotonie ennuyeuse du reste de l’histoire.
Malheureusement, la dernière partie du film brise ce vent de fraîcheur en réduisant cette femme d’action à un rôle de potiche qui espère s’enfuir avec son bien-aimé. Elle intègre ainsi la succession de petits rôles féminins sexualisés où les femmes tombent sous le charme de Hawke aussi vite que les James Bond Girls. Les gens n’acceptent plus ce type d’écriture de nos jours. Pourtant, cela permet de comprendre le contexte de production de l’époque, notamment concernant la politique des studios. C’était la star que le public venait découvrir sur grand écran plus que le film.
Sur ce type de projet, l’équipe réalise souvent l’écriture en fonction de la personnalité de l’acteur vedette. Malgré son côté controversé, Errol Flynn est connu pour son côté homme d’action, mais surtout séducteur. Pour attirer le public, le studio joue sur cet aspect. Dès l’introduction du film, le réalisateur sexualise Flynn. La caméra le présente par un mouvement ascendant qui se pose sur son dos en sueur alors qu’il se fait fouetter. Puis, elle s’attarde sur son visage, exprimant à la fois la douleur et le plaisir. À l’abordage incarne un film de fantasme, offrant un rêve de liberté, mais aussi de séduction.
En conclusion
À l’abordage n’est pas le film le plus marquant d’Errol Flynn, mais il reste un témoin intéressant de l’industrie cinématographique. Le film incarne le rêve hollywoodien et le désir du spectateur de partir ailleurs pour oublier une vie triste et contraignante. Bien qu’imparfait, ce film de pirates est une brise estivale plutôt amusante.