Entrails of a Virgin (1986) – perdre pied

Venant de l’érotisme, Kazuo ‘Gaira’ Komizu est le réalisateur d’une vingtaine de films dont le plus spectaculaire reste Entrails of a Virgin. Un film dont la réputation sulfureuse fait le tour du monde au moment de sa sortie. Pourtant, à l’époque, pas d’internet pour la promotion et les magazines spécialisés faisaient étrangement l’impasse sur ce film indéfinissable. Les plus chanceux à avoir vu cet objet insolite avaient dû se contenter d’une copie VHS de 5^e ou 6^e génération permettant alors de découvrir un film érotique franchement morbide, laissant éventuellement supposer certaines velléités artistiques. Aujourd’hui, grâce au travail d’éditeurs téméraires, Entrails of a Virgin peut être apprécié à sa juste valeur. Eh nom de Dieu, quel film !

Après une journée bien remplie à prendre des clichés coquins, la fine équipe composée de photographes et de mannequins plie bagages. Mais les ténèbres tombent plus vite que prévu. À la recherche d’un refuge pour la nuit, le petit groupe trouve finalement un bâtiment abandonné où il décide de casser la croûte. Alors que la soirée aurait pu se terminer sur une note agréable, un sinistre meurtrier va venir gâcher la petite sauterie…

Avec sa nuit inquiétante, brumeuse et noire comme un four, Entrails of a Virgin bénéficie d’une ambiance séduisante réfutant les accusations de critiques ne voyant dans le film qu’un sinistre navet. Par ailleurs, la qualité de l’interprétation conforte le constat, délivrée par des acteurs expérimentés dotés d’une filmographie longue comme le membre de John Holmes.

Soyons francs, dès les premières images, Entrails of a Virgin ne cache pas ses origines friponnes. Ainsi, ce n’est pas un hasard si les filles qui s’offrent en spectacle se montrent autant à l’aise en tenue d’Eve. Entre toutes, la star reste Saeko Kizuki qui avait débuté dans le porno avant de privilégier les films érotiques à l’image de Woman In the Box: Virgin Sacrifice (1985) ou de Angel Guts: Red Vertigo (1988), ce dernier signé Takashi Ishii. Jolie à croquer comme ses camarades, elle est également magnifiquement mise en valeur par un metteur en scène qui a, itou, débuté dans la partie.

Dès lors, pas étonnant si Entrails of a Virgin commence chaudement avec son shooting érotique dans de jolis décors de campagne nippone vallonnée. Rapidement, toutefois, le malaise s’installe. Pas à cause de la créature démoniaque, elle n’interviendra que bien plus tard. Mais à cause du photographe et de son producteur. Deux pervers assumés démontrant bien peu de respect pour la gent féminine en général et encore moins pour les exemplaires dont ils disposent ici. Ainsi, ils ont une drôle de façon de solliciter le consentement des demoiselles : « Tu veux travailler ? Sois docile. »

Entrails of a Virgin ne propose aucune figure à laquelle s’identifier. Les hommes sont vils et les filles prêtes à se vendre pour la gloire. À l’exception d’une seule qui va farouchement se refuser, mais dont le destin n’aura rien de reluisant. En effet, troublée par la violence des hommes, la malheureuse se transforme en nymphomane prête à tout pour atteindre le plaisir en solitaire. N’essayez pas d’imaginer de quoi il est fait mention ici, vous n’êtes probablement pas assez déviant pour y parvenir.

In fine, toutes feront connaissance avec le démon et son membre démesuré qui leur fera perdre pied. Pour illustrer la malfaisance de la créature, les spécialistes des effets spéciaux se contentent de recouvrir de boue un homme musculeux. La prestance du bodybuildeur s’avère toutefois impressionnante, amplifiée par sa voix grave, appuyant ses origines surnaturelles. Pas besoin de plus. D’ailleurs, on pourra voir, dans cette créature mystique et sa volonté de punir la poignée d’individus qu’elle a sous la main, la révolte de la nature contre un comportement humain déshumanisé par la cupidité. Ses motifs sont d’ailleurs clairement exposés : Il déteste l’humanité. À vrai dire, pas étonnant au vu de nos ambassadeurs dans le film.

En conclusion, le nihilisme tue tout suspens dans Entrails of a Virgin qui s’impose alors comme un discours froid et radical sur la condition humaine, livré par un réalisateur qui soigne sa mise en scène tout en offrant une alternance de scènes d’un érotisme torride avec d’autres carrément révoltantes. Difficile de s’ennuyer durant ce délire surréaliste grandement aidé par des effets gores qui versent outrageusement et avec bonheur dans un style délibérément grotesque.